L'éditorial du JDJ n°430 par Benoit Van Keirsbilck

Le côté détestable de certains politiques

Quand un président de parti stigmatise une catégorie de la population en tenant des propos xénophobes, il se met hors-jeu. De la même manière, lorsqu’un président de parti jette l’opprobre sur une association en affirmant qu’elle reçoit 72 millions d’euros de subventions publiques, il devrait y avoir une conséquence à la hauteur de cette diffamation.

Écartons tout de suite l’hypothèse de l’erreur : une analyse simple et rapide permet à quelqu’un doté d’un minimum de réflexion, de se rendre compte qu’on est dans l’ordre de l’impossible (un poste de travail à temps plein avec les frais de fonctionnement dans le monde associatif dépasse rarement cent mille euros par an) puisque ça voudrait dire qu’une petite ASBL communale disposerait de 720 salariés (ou alors qu’elle détourne 99% des subventions qui lui sont accordées, ce qui est tout aussi absurde !).

Il y a donc un choix délibéré de stigmatiser une association, qui contribue au vivre ensemble depuis 1978 aux côtés d’un public précarisé, à forte proportion issu de l’immigration, d’une commune du croissant dit pauvre de Bruxelles.

Les propos sont donc xénophobes et pauvrophobes.

Inutile de préciser que G-L. Bouchez, président du Mouvement Réformateur, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas cru bon de prendre préalablement contact avec l’association et certainement pas de vérifier ses sources qui manquent de cohérence (1).

En critiquant gratuitement une association, c’est en réalité le monde associatif dans son ensemble, ainsi que tous les travailleurs, bénévoles, citoyens engagés, qu’il insulte.

Ironie de l’histoire : il s’agit d’une association agréée en éducation permanente (EP) dont la mission est de favoriser et de développer, principalement chez les adultes, une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société, des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation, des attitudes de responsabilité et de participation à la vie sociale, économique, culturelle et politique (2).

En tenant ces propos, M. Bouchez fait la preuve qu’il aurait grandement besoin d’un stage citoyen dans un service d’EP.

M. Bouchez, des excuses publiques (plutôt que de renvoyer la faute sur les autres) et un dédommagement de l’association qui a ainsi été inutilement stigmatisée vous grandiraient.

Le citoyen est en droit d’attendre du monde politique qu’il vérifie par lui-même, en allant sur le terrain, la réalité du travail de ces centaines d’associations qui tentent au quotidien de pallier les lacunes créées par des politiques d’exclusion.

Faire de la politique requiert un minimum d’honnêteté, de probité, d’humilité, de reconnaissance de ses erreurs, de sens de l’empathie, d’écoute et d’attention au bien-être de tous les citoyens.

En l’espèce, on en est loin. Très loin.

Benoit Van Keirsbilck


(1) Voyez la réaction de l’ASBL La Rue, sur son site : www.larueasbl.be/categorie/publications/
(2) Voir : Décret du 17 juillet 2003 relatif au développement de l'action d'Éducation permanente dans le champ de la vie associative, M.B., 26 août 2003, art. 1er.


Le sommaire du numéro 430

ARTICLES

1

Éditorial : Le côté détestable de certains politiques — Benoit Van Keirsbilck

3

Comment les politiques publiques fabriquent des indésirables : la prise en charge des MENA de la gare du Midi — Céline Graas

11

L’aide et la protection de la jeunesse sous pression : améliorer le système à partir des droits humains — Commission Enfance & jeunesse de la Ligue des droits humains

JEUNESSES CABOSSÉES

14

Introduction et présentations — l’AMO Point Jaune et Marc Chambeau

17

Pays d'accueil

19

Les bébés de l’AMO

TRAVAUX PARLEMENTAIRES

25

Proposition de résolution visant à garantir la sécurité en ligne des enfants, Doc. ch., 2023-2024, n° 55 3280/005

FICHE JDJ

27

La lutte contre les violences de genres : les mariages forcés et les violences liées à l’honneur — Aurélie Collignon, Nathalie Goebels, SDJ de Liège

JURISPRUDENCE

30

Civ. fr. Bruxelles (réf.), 16 octobre 2023 — Mesures provisoires urgentes – Sanction disciplinaire – Refus de réinscription – Conditions d’application (art. 1.7.9-4 § 1er, Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire) – Enseignement libre subventionné – Relation contractuelle entre l’établissement et l’élève et/ou ses parents – Urgence (oui) – Intérêt (oui) – Apparence de droit (oui) — Commentaires de Jancy Nounckele, avocate au barreau de Bruxelles

42

C.J.U.E. (gde ch.), arrêt WS c. Intervyuirasht organ na Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, 16 janvier 2024, C-621/21, EU:C:2024:47 — Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique commune en matière d’asile – Directive 2011/95/UE – Conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié – Article 2, sous d) – Motifs de la persécution – «Appartenance à un certain groupe social» – (…)

43

Cour eur. D.H., arrêt O.R. c. Grèce, 23 janvier 2024 — Traitement inhumain et dégradant – Mineur non accompagné, au passé familial traumatisant, demandeur d’asile, abandonné à lui-même pendant presque six mois par les autorités alertées de sa situation, sans accès à un logement stable et dans un dénuement matériel extrême – Environnement totalement inadapté, en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins, et à la précarité inacceptable – (…)

44

Cour eur. D.H., arrêt J.A. et A.A. c. Turquie, 6 février 2024 — — Expulsion avec enfants vers l’Irak - Risque réel de mort ou de mauvais traitement – Droit à la vie et interdiction de la torture – Violation des articles 2 et 3 de la Convention

44

Cass. (1ère ch.), 26 mai 2023, C. 22. 0456.N Filiation – Paternité du mari – Contestation – Possession d’état – Balance des intérêts

45

Cass. (1ère ch.), 5 octobre 2023, C.22.0475.N Obligation alimentaire – Parents pour leur enfant – Communication et application des paramètres fixés par la loi – Tâche du juge de la famille – Vérification du calcul par la Cour de cassation – Détermination des dépenses en nature liées au régime de résidence de l’enfant

45

Gand (ch. 11ème septies), 7 novembre 2023 Autorité parentale – Parents séparés – Différence entre décisions courantes et importantes – Pose pour une photo artistique – Nudité – Publication ou diffusion – Autorité conjointe – Tribunal de la famille – Interdiction de réaliser ou de rendre publiques des photos ou vidéos de l’enfant nue sans accord de l’autre parent – Astreinte – Droit à l’image – Identification


ICI ET AILLEURS

Enfants et conflits parentaux

Le tribunal de la famille de Gand lance un projet pilote visant à mettre une personne de confiance à disposition des enfants dont les parents se séparent.

Il s’agit d’avocats formés au travail avec les enfants, qui les écoutent et les informent sur leurs droits en cherchant à les rassurer. À l’issue de deux entretiens préparatoires, cette personne informe le juge du souhait de l’enfant de le rencontrer.

Le but du projet : prévenir les conflits familiaux sévères en garantissant le droit de l’enfant d’être entendu.

Ce projet est organisé par le barreau de Gand avec l’Université (Fac. de Crimino) de la même ville.

Rappel salutaire

En France, Stéphane Ravier Sénateur de son Etat (passé du Rassemblement National à Reconquête!, encore un peu plus à l’extrême droite) a été condamné à une amende de 3.000 euros par le tribunal correctionnel de Marseille, pour diffamation à l’encontre de l’ONG SOS Méditerranée qui organise le secours en mer en vue de sauver des migrants en détresse.

En 2018 M. Ravier avait accusé l’ONG «d’être complice du trafic d’êtres humains» et avait félicité l’attaque de Génération identitaire contre le siège de l’ONG à Marseille.

Les membres de cette organisation ont été condamnés à des peines de prison pour violence. Il n’est donc pas permis d’assimiler le sauvetage de personnes qui se noient à un trafic d’êtres humains.

Accès à la justice et …

Lors de sa 95ème session en janvier 2024, le Comité des droits de l’enfant a décidé de consacrer sa prochaine Observation générale aux droits des enfants à l’accès à la justice et à des recours effectifs

voir la note conceptuelle ICI.[en]

L’accès à la justice est essentiel pour lutter contre les inégalités et réparer les violations des droits, en particulier pour les enfants en situation de vulnérabilité qui se heurtent à des obstacles encore plus importants pour faire valoir leurs droits vu l’absence de mécanismes de plainte efficaces et indépendants, du manque d’informations et de structures de soutien, et de ressources limitées.

… à des recours, pour les enfants

L’accès à la justice et à des voies de recours efficaces n’est pas seulement vital pour la protection et la réalisation des droits de tous les enfants, mais fait également partie intégrante du cadre plus large des droits humains et des Objectifs de Développement Durable (ODD).

Contrairement aux idées reçues, l’accès à la justice va au-delà des enfants impliqués dans des procédures judiciaires. Il s’agit de faire en sorte que tous les enfants aient accès à l’information et au soutien nécessaires pour faire valoir leurs droits, y compris par des approches adaptées aux enfants privés de famille.

L’élaboration de cette OG27 fera l’objet de nombreuses consultations, des États, de différents acteurs et des enfants eux-mêmes.

Un appel à contributions sera diffusé dans les mois à venir. À suivre donc.

Enfants enlevés et vendus…

Des dizaines de milliers de jeunes femmes célibataires et enceintes ont accouché dans la Flandre catholique de l’après-guerre, où personne n’était autorisé à voir ou à savoir. Les mères ont été contraintes par l’Église d’abandonner leur enfant dont le nombre est évalué à près de 30.000.

Dans le podcast HLN (Het Laatste Nieuws) «Kinderen van de Kerk», des mères et des enfants vendus par l’Église catholique à l’insu de leur mère pour des sommes importantes témoignent pour la première fois de ces faits.

Elles et ils racontent leurs traumatismes et leur difficile quête d’un passé douloureux, encore aujourd’hui.

… par l’Église : témoignages bouleversants

Debby : «Qu’attendez-vous aujourd’hui des autorités religieuse et politique ?
Que ce soit de la part de l’Église ou du gouvernement, les excuses ne suffiront pas. C’est trop facile. En premier, je veux que les dossiers dont dispose l’Église soient récupérés par les autorités, qu’ils soient confiés à un centre spécialisé, de confiance. Je veux que les femmes dont les bébés ont été vendus à leur insu bénéficient de soins psychologiques gratuits.

Qu’elles puissent gérer ce traumatisme pour elles et pour les enfants adoptés qui cherchent à les contacter. Le traumatisme de ma mère biologique est tel qu’elle n’arrive pas à établir un lien avec moi. Et enfin, de faciliter, à tout prix, la recherche d’ascendance pour les enfants adoptés. Je n’ai pas été étonnée par le nombre de bébés vendus. À mon avis, il y en a encore plus. Et pas qu’en Flandre. À Bruxelles et en Wallonie.

Il faut leur faciliter la tâche de retrouver leurs racines» (Le Soir, 14/12/2023).


Les bésicles de Jiji

Pas grave, donc ?

L’arrêt n° 257.176, rendu par le Conseil d’État le 16 août 2023, rejette une demande de suspension d’extrême urgence qui, selon la société requérante, visait « l’arrêté du Bourgmestre [d’Anderlecht] adopté le 31 juillet 2023, par lequel il procède à la fermeture de l’établissement ‘Le Sénat’ qu’elle exploite pour une durée de trois mois ». On conclurait que le dommage n’est pas bien grand, mais c’est la fermeture, et non l’exploitation, qui avait une telle durée.

Fric-frac

Grâce à Google qui n’oublie jamais rien, on trouve encore sur le site de la RTBF une information du 21 avril 2015 restée sensationnelle : « Raoul Hedebouw (PTB) a porté plainte contre Charles Michel (MR) et Bart De Wever (N-VA) pour vol d’un montant de 34.000 EUR au commissariat de Bockstael à Bruxelles ». Les deux malfrats ont cambriolé le poste de police auquel le parti avait confié son modeste pécule ? Pas du tout : c’était l’effet moyen du saut d’index sur une carrière de 20 ans.

Ça tombe dru

  • Dans Elle (éd. France, 24 août), on applaudit Amélie Nothomb : « Éric-Emmanuel Schmitt a remis Soif [œuvre d’A.N.] au pape, qui manifestement ne lui a pas déplu ». Ce penseur néo-belge a trouvé J. Bergoglio sympathique. Mais sinon, pourquoi serait-il allé le voir ?

  • Le Soir (26-27 août) interviewe C. Désir (PS), ministre de l’Éducation en Communauté française : sur l’impossibilité de réformer les cours de religion sous la législature actuelle, « On ne peut pas faire ça de mauvaise foi ». Faut-il le dire.

  • Ibidem (29 août), en gras au-dessus de la photo, « Dernier jour de carnaval à Nothing Hill », et en-dessous, « le dernier jour du Noting Hill Carnaval, à Londres ». Notons donc la fin des cortèges sur la Colline de Rien, et lisons « Notting Hill Carnival ».

  • Aussi (30 août), « Bart De Wever creuse la digue entre N-VA et Vlaams Belang ». Pour précipiter l’inondation ? Le scribouillard est allé « à la mer » se promener sur le fossé.

  • Itou (1er septembre), un expert en mobilité qui conseille la Région de Bruxelles-Capitale : « La crispation autour des trottinettes vient plutôt des gens qui ne les utilisent pas et qui en subissent les conséquences ». Sûrement, il est fort bien rémunéré pour cet avis renversant.

  • De plus (4 septembre), « Rentrée scolaire – Des pistes de solutions pour encourager le vélo ». Certaines se déroulent toutes seules.

  • En outre (7 septembre), selon le cabinet du ministre bruxellois B. Clerfayt (DéFi), le Code du Bien-être animal permettra de rouvrir « la cave ou la tombe » pour placer les restes du petit compagnon près de ceux de l’humain/e. Et Félix ou Cador doivent se sentir rassurés ?

  • Hélas (14 septembre), au sujet du « procès du climat » : « Les inondations catastrophiques [de l’été 2021] apportent plus que de l’eau au moulin [des plaignants] ». Aussi des déchets.

  • Celui du 22 septembre, en réponse à un lecteur, évoque les « armes à létalité réduite » de la police. C’est l’expression usuelle, mais ne donnent-elles que la petite mort ?

  • Encore (29 septembre), « [Michael Gambon] incarnait le légendaire sorcier Albus Dumbledore dans la saga des Harry Potter ». Une fiction commencée en 1997 : exploit, alors qu’on parle de Merlin depuis le XIIème siècle.

  • Et même (7 octobre), un chroniqueur, sur la crise du climat, cite L’été indien de Joe Dassin : « Je regarde cette vague qui n’atteindra jamais la lune ». Ouf ! Lire : « la dune ».

  • Adde (11 octobre), le communiqué Belga sur la première sortie du tram de Liège : « La rame s’est élancée à une vitesse très réduite vers Coronmeuse ». Tout le symbole de la Région wallonne : « prendre son élan ».

  • Le supplément Léna (30 septembre) reproduit un reportage d’El País sur l’écrivain britannique Ken Follett : « Le calme règne sur la campagne vallonnée. Aucun décibel en vue. » Inutile de consulter Lapperre, ni Grand Optical.

  • Quant à SOSoir (même date), il vante un restaurant indo-népalais à Ixelles : « Autre bonne raison d’y réserver une table : le rapport qualité/prix imparable ». Comme partout, non ?

  • En couverture de Touring Magazine (septembre) : « Vacances en Italie – Les Marches au volant d’une Vespa ». Ouh, les sportifs à moteur ! La région des Marche borde l’Adriatique.

  • Entendu au Flash de 14 h. sur La Première (RTBF Radio, 26 septembre) : « en Ukraine, le déploiement des chars Leopold ». 1, 2, mais si on en vient à 3, tremble, Poutine !