La mendicité des enfants ne laisse personne indifférent. Elle interpelle, heurte, dérange. Elle nous laisse désemparés. Ceci, qu'il s'agisse d'enfants, souvent en bas âge, mendiant, parfois apparemment seuls ou de parents avec un enfant, parfois nouveau-né, dans les bras.
La réaction des autorités est rarement plus réfléchie et efficace que celle du quidam. Elle oscille entre la dispersion et la répression immédiate.
Il s'agit d'occulter le phénomène en poussant ces personnes à exercer leur activité ailleurs, là où c'est moins visible. Ceci ne faisant que déplacer le problème, face à une population déjà particulièrement mouvante, obligée de s'adapter à tout instant. Comme si on pouvait contenir ce genre de phénomène dans des endroits peu visibles ou fréquentés ! Pour ceux qui y recourent, c'est une activité économique qui doit répondre aux lois du genre : il s'agit de s'installer là où les affaires seront les plus florissantes.
À l'inverse, arrêter administrativement, confisquer la recette du jour (ou la marchandise : fleurs, objets mis en vente, ), garder à vue quelques heures, ne permettent certainement pas plus d'enrayer le phénomène.
On reproche à ces familles d'utiliser leurs enfants pour susciter la compassion du public et mieux gagner leur vie. Ont-elles réellement le choix ? Les autorités elles-mêmes n'utilisent-elles pas les enfants (en allant les arrêter à l'école !) pour attirer les parents en vue d'organiser leur expulsion ? Est-ce plus légitime ? On comprend que certains hésitent à scolariser leurs enfants.
La mendicité des enfants suscite également nombre de fantasmes et préjugés : il s'agirait, selon certains, de réseaux organisés; les enfants seraient drogués; ce serait un phénomène culturel !
D'où l'importance, pour comprendre et pouvoir réfléchir à des solutions qui correspondent à la réalité, d'analyser sérieusement la situation. C'est le sens des recherches menées par la CODE (1) dont la synthèse est publiée dans ce numéro. Ces recherches ont été suscitées par des interpellations citoyennes adressées à Jean-Marc Nollet, Ministre de la petite enfance, sous la législature précédente.
Une chose est certaine : il s'agit d'une problématique complexe. La majorité des familles qui mendient avec des enfants sont des personnes d'origine rom généralement en situation de séjour très précaire. L'explication culturelle ne tient pas la route. Par contre, ces personnes ont généralement déjà subi nombre de discriminations dans le pays d'où elles proviennent. Leur situation en Belgique, même extrêmement précaire, n'est parfois pas pire que ce qu'elles ont connu. Ceci ne justifiant évidemment pas le traitement qu'on leur fait subir. Certains citoyens prennent des initiatives qui, si elles partent toutes d'un élan positif, vont dans des sens parfois opposés.
Deux exemples :
Les études réalisées par la CODE ont l'immense avantage de tenter d'objectiver la situation en vue de proposer des solutions réalistes, dont certaines sont à petite échelle, mais qui tiennent compte d'une analyse approfondie de la situation que l'on tente d'appréhender en dépassant les clichés généralement convenus.
Seule une réaction sociale, qui tienne compte de tous les paramètres, peut apporter un mieux-être à ces familles sans provoquer leur éclatement sous prétexte de garantir les droits des enfants. On n'évitera pas non plus de remettre sur le tapis la politique en matière d'immigration et de régularisation. Il est certain que l'absence de droit au séjour est la cause principale de la mendicité des enfants.