LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°263

Aseptisons

Les Services d'aide en milieu ouvert (AMO), sortes d'OVNI dans le paysage de l'aide à la jeunesse, ont une mission de prévention et d'aide éducative aux jeunes et aux familles sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit, si ce n'est bien entendu aux personnes qui les consultent et aux pouvoirs subsidiants.
Ça dérange, et c'est heureux, certaines autorités qui aimeraient mieux pouvoir donner des injonctions, et ceux qui participent à l'exclusion sociale des jeunes et de leur famille.
Les AMO n'échappent pas aux critiques, dont certaines ont incontestablement un fondement : action parfois peu lisible, absence d'aide individuelle, activités purement occupationnelles.
C'est sur fond de ces critiques qu'un projet d'arrêté visant à modifier les missions des AMO a été préparé par le Cabinet Fonck. Déposé dans un premier temps sans note d'intention, sans exposé des motifs, ce projet a laissé les acteurs interloqués.
La question, fondamentale , «pourquoi faut-il modifier l'arrêté ?» ne trouvait aucune réponse.
De deux choses l'une, ou bien ces services sont en dehors des règles et il faut «les remettre dans le droit chemin» (avec l'inspection pédagogique), soit il y a une volonté politique de changer la philosophie de travail des AMO. Or, ce projet affaiblit les spécificités des AMO, leurs moyens d'action, leur rôle de «contre pouvoir», leur capacité d'impulser des changements sociaux. Veut-on faire des AMO des services aseptisés, indolores, incolores, qui sont dans la collaboration permanente (sur le dos des jeunes et familles) et le consensus mou ?
Qu'on en juge : le terme prévention est abandonné de même que la finalité de l'action individuelle qui lui donne tout son sens: «l'aide individuelle (...) vise à favoriser l'épanouissement personnel du jeune dans son environnement social et familial, afin notamment de prévenir la rupture avec cet environnement ou toute dégradation de situation de rupture avec cet environnement».
L'aide pourrait à l'avenir être sollicitée («faire appel à quelqu'un de façon pressante, en vue d'obtenir quelque chose» V. Requérir,... (Petit Robert)) par le SAJ, SPJ, Parquet ou juge. On n'est plus très loin d'un mandat. Le Code de déontologie n'a jamais été autant instrumentalisé alors que dans le même temps, la transmission d'informations au juge, conseiller ou directeur sans accord du jeune est préconisée. Dans le même ordre de constat, l'obligation d'informer le jeune qu'il peut mettre fin à tout moment à l'aide est supprimé du texte !
Le Service peut-il (doit-il ?) continuer à l'aider même s'il n'en veut plus ? Une fois encore, on n'est pas loin de l'aide contrainte, mandatée, obligée. Le rôle d'interpellation des AMO, fondamental entre tous, disparaît.
Les modifications détricotent le rôle spécifique de ces services; sont dans l'air du temps du mandat, du sécuritaire, du contrôle.
Pour essayer de faire passer la pilule, la Ministre met des moyens ridiculement bas à disposition des AMO. Or, nombre de services financièrement aux abois, seraient prêts à beaucoup de concessions, leur survie financière étant en jeu. Elle aurait voulu couler ces services, les mettre à la merci des différentes «autorités», elle ne s'y serait pas prise autrement.