LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°305

Prévention sécuritaire

Il est des amalgames qui ont la vie dure. Il en va ainsi du présupposé selon lequel la prévention et la sécurité feraient bon ménage.

C’est notamment ce que dénonce inlassablement le collectif «Pasde0deconduite » (1) né à la suite d’une étude de l’INSERM en France qui préconisait le dépistage à trois ans des futurs délinquants.

Même si le projet avait depuis été abandonné, la vigilance reste de mise; les autorités françaises ressortant cette idée lumineuse à intervalles réguliers. Face à la ténacité du pouvoir politique pour installer une prévention prédictive, un contrôle et un formatage précoce des enfants, Pasde0deconduite rappelle qu’un enfant n’est pas un organisme programmé et programmable.

Rien n’est définitivement joué dans l’évolution d’un être humain, ni à 3 ans ni à 7 ou 15 ans. Il faut distinguer la prévention et l’évaluation des comportements des enfants.

En publiant un manifeste et un livre (1) , le collectif Pasde0deconduite persiste et signe : la «prévention prévenante» est une finalité en soi qui n’a pas à se nicher à l’ombre des politiques de sécurité ou utiliser la promotion de la santé mentale pour généraliser des programmes stéréotypés d’«éducation comportementale» dont le fondement scientifique est plus que douteux.

La Belgique n’est pas à l’abri de tels amalgames; l’idée du dépistage précoce a aussi ses adeptes.

De la même manière, la propension à confier à des travailleurs sociaux des tâches de contrôle, est permanente. On le verra dans les pages du JDJ N°305 à travers le rôle que Fedasil veut faire porter à ses travailleurs en charge de l’accueil qui deviennent des auxiliaires d’une politique d’expulsion des demandeurs d’asile déboutés et des familles en séjour irrégulier.

«Solution» pragmatique à la crise permanente de l’accueil, mais qui dénature complètement la mission d’accueil dont la finalité est de garantir la dignité humaine.

En cela les promoteurs du protocole de collaboration entre Fedasil et l’Office des Étrangers portent une lourde responsabilité dans le devenir de la fonction d’accueil.

L’attitude du CPAS de Bruxelles, stigmatisée par le tribunal du travail (voir rubrique jurisprudence, page 31 du JDJ N° 305), est aussi lourde de conséquence pour la mission des travailleurs sociaux : il interdit à ses travailleurs d’acter les demandes introduites pas les familles en séjour illégal.

À un autre niveau, mais non moins inquiétant, la position de la Directrice générale de l’administration de l’aide à la jeunesse qui considère que les AMO (services d’aide non mandatée en milieu ouvert) doivent rendre des comptes (même limités) au Conseiller de l’aide à la jeunesse, relève de la confusion des genres : vouloir transformer des agents de prévention en agents de contrôle social.


(1)Manifeste : «Petite enfance : pour une prévention prévenante» (http://www.editions-eres.com/resultat.php?Id=2818) et livre «Les enfants au carré ? Une prévention qui ne tourne pas rond!» (http://www.editions-eres.com/resultat.php?Id=2759)