LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Amélie Mouton dans le JDJ N°311

Les droits de l'enfant en cure d'austérité

De ci, de là, les signes s'accumulent. Il y a d'abord une ligne dans un article du Monde Diplomatique consacré aux effets des politiques d'austérité en Grèce : «les tensions s'exacerbent», raconte l'auteure. «On rapporte une sensible augmentation de la violence intrafamiliale, des vols et des homicides» (1). Et puis un papier publié dans Courrier International, qui s'intéresse aux orphelins de la crise grecque : selon certains services sociaux, les cas d’abandon d’enfants, que les familles ne peuvent plus nourrir, se seraient multipliés ces derniers mois.

Une employée témoigne : «Il y a encore deux ans, 95 % des admissions dans nos centres d’accueil concernaient des cas de mineurs maltraités. Alors qu’aujourd’hui, la moitié des demandes vient de parents très pauvres» (2).

La Grèce, qui a le triste privilège d'expérimenter la thérapie de choc anti-crise avant le reste de l'Europe, nous envoie ainsi un message très clair : les programmes d'austérité, qui détricotent à toute vitesse les systèmes de protection sociale des États, ne font pas bon ménage avec les droits de l'enfant. Car la pauvreté - est-il besoin de le rappeler - a une influence systématiquement néfaste sur l'exercice des droits fondamentaux, y compris (et surtout ?) ceux des plus jeunes. Elle rend plus difficile leur accès aux soins de santé, à l'éducation, à des logements de qualité. Elle exacerbe les tensions familiales et augmente leur vulnérabilité.

D'après la CODE, 18,5 % des enfants vivent sous le seuil de pauvreté en Belgique (3). Vu que les transferts sociaux (allocations familiales, de chômage et de logement) font partie des mécanismes qui diminuent le risque de pauvreté, et qu’ils sont parmi les premiers à être visés par la cure, nul besoin d’être devin pour s’attendre à ce que ce pourcentage peu honorable augmente encore dans les prochaines années.

Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, tirait déjà la sonnette d'alarme il y a plus d'un an : les budgets d'austérité vont non seulement aggraver la pauvreté des enfants, mais rendre aussi plus difficile la mise en oeuvre, par les États, de politiques de lutte contre la pauvreté.

«Réduire le budget de l'éducation et de la santé, c'est faire un très mauvais calcul et hypothéquer l'avenir», rappelait-il. «En outre, les États qui prennent de telles décisions manquent à la promesse faite (...) dans la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant : allouer le maximum des ressources dont ils disposent aux enfants et à leurs droits» (4).

En Belgique, nombre de signes ne manquent pas d’inquiéter : augmentation du nombre de personnes qui dépendent du CPAS, augmentation des factures d’énergie (électricité notamment) impayées et donc de limitateurs de puissance, endettement plus grand... Ceci alors que les mois qui viennent risquent d’être particulièrement durs pour les familles.

À bon entendeur...


(1)1 Noëlle BURGI, «Les Grecs sous le scalpel», Le Monde Diplomatique, décembre 2011.
(2) Marilis MARGOMENOU, «Les orphelins de la crise», Courrier International, 12 janvier 2011.
(3) Coordination des ONG des Droits de l'Enfant, Pauvreté des familles et droits de l'enfant. Bilan de l'année européenne de lutte contre la pauvreté, Bruxelles, 2011.
(4) http://commissioner.cws.coe.int