LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck et Caroline De Man dans le JDJ N°356

Assis entre deux chaises

L’accueil familial est émaillé de nombreux intérêts qui ne sont pas toujours conciliables. Enfant, parents, familles d’accueil, services de placement et autorités mandantes se croisent et leurs relations donnent forme à chaque situation d’accueil.

Les familles (souvent qualifiées « d’origine ») revendiquent en bonne partie, la préservation de leur droit de vivre avec leurs enfants et à tout le moins, en cas de séparation, de rester impliquées dans les décisions qui concernent leur enfant. Elles se sentent souvent en situation de faiblesse face à l’« aide à la jeunesse » perçue davantage comme une menace que comme une ressource.

Alors qu’elles ont été évaluées « défaillantes », les familles devant se séparer (a priori temporairement) de leur enfant se sentent mises en compétition avec la famille d’accueil quand celle-ci n’appartient pas au réseau de l’enfant. Toutes les décisions quotidiennes sont des sources potentielles de tensions. D’où l’importance de clarifier l’organisation du placement et la place accordée à chacune des parties.

Les familles d’accueil, quant à elles, rapportent devoir tenir une position difficile en raison d’une reconnaissance insuffisante des contraintes pratiques qu’elles rencontrent. Elles revendiquent plus de droits sur l’enfant et un statut spécifique qui leur faciliterait la prise de décisions tout au long de la période d’accueil. Les services de placement familial doivent mener un travail d’écoute, d’accompagnement et d’évaluation des situations de placement, des parents et des familles d’accueil. Ces services sont confrontés à la difficulté d’encourager la création de nouveaux liens par définition temporaires, tout en poursuivant l’objectif du retour en famille, et ce en maintenant et stimulant les liens existants avec les parents.

À cette position d’équilibriste, s’ajoute aussi la mission de recruter de nouvelles familles d’accueil et donc de contribuer à la promotion de l’accueil familial. Ces services ont encore l’ultime mission de s’assurer que l’intérêt de l’enfant est respecté et que ce dernier se porte au mieux.

Enfin, les autorités mandantes affirment rechercher la meilleure solution pour les enfants dont elles assurent la prise en charge. Pourtant, ces décisions ne sont pas exemptes de considérations financières (l’accueil familial coûte moins cher que les institutions) ou dépendantes de l’offre de places d’accueil.

Il reste l’enfant, dont on affirme que son intérêt prévaut. Il est balloté d’un côté à l’autre et il est difficile de savoir s’il est, ou s’il se sent, écouté dans ces successions de décisions jalonnant son quotidien souvent fait de séparations et de ruptures. Très peu de données scientifiques rendent compte du déroulement et des expériences de l’accueil d’enfants de 0 à 18 ans, que ce placement intervienne en urgence, à court, moyen ou long terme. Alors que les familles, les familles d’accueil, les services de placement et les autorités mandantes ont chacune un organe pour les représenter (les associations de familles d’accueil ; les associations travaillant avec des familles vivant dans la pauvreté ; la fédération des services de placement en famille d’accueil ; les associations de défense des droits de l’enfant (CODE)), qui écoute les enfants placés pour relayer leur point de vue et s’assurer qu’il soit dûment pris en compte ?

À l’heure où un nouveau projet de loi sur le statut des parents nourriciers (voir p. 14 du JDJ N°356) est sur le point d’être voté, il n’est pas certain que l’intérêt de l’enfant soit toujours la considération première dans les débats parlementaires, même s’il est de bon ton de l’affirmer.