LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Caroline De Man et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°364

Un nouveau pas dans la banalisation de l’enfermement ?

On en parle depuis des années, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a approuvé la création d’une IPPJ (la septième) à Bruxelles. Elle verra le jour dans les bâtiments d’un ancien internat à Forest, une fois le site rénové. Ses 30 places (20 garçons, 10 filles) seront disponibles dans moins de quatre ans (selon les plans).

Les intentions du Ministre Madrane se veulent ambitieuses (1) et s’expriment en termes de réinsertion, de lien, d’ouverture vers l’extérieur et d’inclusion d’un maximum d’acteurs (familles, associations, instituts de formation…). Ce projet s’inscrit dans une vaste réforme des IPPJ en préparation, qui comprend des services diagnostics pour l’évaluation, l’observation et l’orientation des jeunes (pour une durée d’un mois contre quinze jours actuellement), une harmonisation des projets pédagogiques, la proximité du placement par rapport au lieu de vie des jeunes et le suivi post-institutionnel.

Il implique également l’abandon de Saint-Hubert et la transformation de plusieurs IPPJ : Saint-Servais deviendrait mixte, Jumet une institution fermée sécuritaire... (tout cela n’étant pas sans susciter de sérieuses critiques).

On s’éloigne enfin de l’approche «sibérienne» (envoyer le jeune très loin de chez lui) et (espérons-le) de l’approche purement comportementaliste (orthopédagogique) qui n’ont pas fait leurs preuves. L’objectif du diagnostic étant de faire «coller» l’approche pédagogique aux besoins du jeune et ne pas se contenter d’un placement en fonction des disponibilités.

Certains aspects de cette réforme semblent aller dans le sens d’un meilleur respect des droits des jeunes, d’une prise en charge plus adéquate et d’un suivi postinstitutionnel indispensable (ils ne peuvent donc être que positifs pour la société).

Mais le flou subsiste quant au nombre global de places, puisqu’il semble qu’on va en créer de nouvelles, mais rien ne garantit qu’il n’y aura pas une nouvelle augmentation, le maintien de l’emploi semblant plus important au yeux du Ministre que les obligations internationales.

En effet, si l’on veut prendre sérieusement en compte les obligations résultant de la Convention relative aux droits de l’enfant, l’enfermement devant être une mesure de dernier ressort décidée pour la durée la plus courte possible, il ne pourrait pas y avoir la moindre augmentation du nombre global de places en IPPJ. Bien plus, on attendrait un plan visant à réduire substantiellement les places pour y substituer une approche dans le milieu de vie. À cet égard, les projets de suivi post-IPPJ sont de bon augure, pourvu que la méthode de travail soit éprouvée et que les acteurs travaillant dans le milieu de vie du jeune prennent le relais.

N’oublions pas le coût exorbitant, démesuré, du placement en IPPJ qui à lui seul justifierait qu’on fasse autre chose, autrement. Chiche ?

Caroline De Man et Benoit Van Keirsbilck


(1) http://madrane.be/une-nouvelle-ippj-a-bruxelles/