LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°391

Une belle histoire de solidarité

Ils ont 11, 6 et 4 ans. Ils s’appellent Miller, Anthony et Octavio. Les trois garçons sont nés en Belgique, y ont toujours vécu. C’est en Belgique qu’ils vont tous les trois à l’école, qu’ils ont leurs amis, leur famille, leur entourage et leurs repères. C’est leur pays.

Et pourtant, ils viennent de passer plus de deux mois en maison de retour à Zulte-Waregem, dans l’attente d’être expulsés vers le Brésil, un pays où ils n’ont jamais vécu. Pendant ce temps, les enfants n’ont pas pu se rendre à leur école, les parents, qui parlent français et travaillent tous les deux, n’ont pas pu assurer leurs obligations professionnelles. Il va sans dire qu’une telle épreuve laissera des séquelles psychologiques, tant aux enfants qu’aux parents.

L’histoire continue pourtant bien pour cette famille. Plusieurs milliers de personnes ont signé une pétition de soutien, instiguée par une habitante de la commune où réside la famille. Elle demande que les enfants et leurs parents puissent retourner vivre chez eux à Rhode-Saint-Genèse et quitter la maison de retour. La chambre du conseil les y a autorisés.

C’est la forte mobilisation autour de cette famille qui a permis qu’elle ne se fasse pas expulser. En effet, il est courant face à des histoires similaires que de nombreuses personnes se mobilisent autour d’une famille en particulier, parce qu’elles la connaissent. Les enfants vont à l’école, se sont fait des amis, sont connus des voisins, etc. Bref, ils vivent comme tout le monde et tout leur entourage est choqué par ce qui leur arrive, par la façon dont ils sont traités. Chacun réalise alors l’aberration de la politique qui permet de telles ignominies.

Trop souvent cependant, la mobilisation ne va pas au-delà du cas particulier, comme si cette famille était l’exception, alors que la maltraitance institutionnelle est la règle. La mobilisation a pourtant un certain effet bénéfique en termes de prise de conscience. On peut se demander ce qu’il serait advenu si la famille, plutôt que d’habiter à Rhode-Saint-Genèse, une commune riche dans laquelle vivent moins de personnes en séjour précaire, avait été perdue dans l’anonymat d’une grande ville ? Arracher des enfants à leur milieu de vie et les expulser vers un pays qu’ils ne connaissent pas, dont ils ne parlent parfois pas la langue et où ils n’ont aucune attache est intolérable. C’est également une violation de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Dans le cas présent, soulignons qu’un conseil communal extraordinaire a été convoqué afin de demander un permis de séjour pour la famille mais également - et c’est là que cette situation sort de l’ordinaire - de dépasser le cas particulier et réclamer que tous les enfants nés en Belgique bénéficient d’un droit au séjour.

C’est suffisamment rare et important pour être souligné ! C’est également ce que réclame le Délégué général aux droits de l’enfant. Il cite pour exemple le mécanisme «Kinderpardon» - un nom qui fait froid dans le dos - en place aux Pays-Bas et qui empêche d’expulser des enfants qui vivent sur le territoire depuis 5 ans (sous certaines conditions).

Et chez nous, à quand la loi qui bannira de telles pratiques ?

Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck