LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck< dans le JDJ N°393

L’intérêt de l’enfant à la sauce Covid,

De tout temps, l’intérêt de l’enfant a été mis à toutes les sauces et instrumentalisé par des adultes qui pensent plutôt à leur propre intérêt.

Ainsi en va-t-il de tous ceux qui affirment qu’il faut respecter les enfants (et leurs droits)… parce qu’ils sont les adultes de demain. Eh bien non ! Il faut les respecter, non pas en fonction de l’avenir, mais avant tout en fonction du présent (étant entendu qu’un enfant dont les droits ont été pleinement respectés pourra grandir et s’épanouir et sera vraisemblablement un adulte plus équilibré).

L’enfant n’est pas une variable d’ajustement, comme le souligne souvent le Délégué Général aux droits de l’enfant, mais un être à part entière dont les droits doivent être pris en compte hic et nunc, en ce compris ses droit à la participation.

Les exemples sont pourtant nombreux, dans l’actualité récente, qui démontrent que ces principes ne sont que rhétoriques pour nombre de personnes : tentative de refoulement d’une mineure non-accompagnée sans prise en compte du respect de sa situation et de mesures de protection, des enfants non-accompagnés laissés à la rue, sans accueil (c’est pas nouveau, mais ça continue malgré des condamnations, dont une décision de 2013 du Comité des droits sociaux) et tout récemment, une décision de la Cour constitutionnelle (1) qui, rappelant le principe selon lequel «l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte dans toute décision qui le concerne», arrive dans la même décision à considérer que «si l’officier de l’état civil constate que la fraude est établie, il ne lui revient Pointons aussi l’attitude du Gouvernement qui après avoir tergiversé pendant des mois a finalement accepté du bout des lèvres, contraint et forcé, suite à une résolution adoptée au Parlement, de relocaliser en Belgique … 18 enfants non-accompagnés en provenance de Grèce, sur les 1400 d’entre eux qui vivent dans des conditions pour le moins indignes. Pareille attitude est tout simplement in pas de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant». Tout et son contraire !

Enfin, on ne peut ignorer, dans le contexte actuel, la situation des enfants durant le confinement. S’ils semblent moins souffrir du Covid-19, ils subissent de plein fouet les conséquences des mesures prises en termes de conditions de vie, d’effet de l’enfermement sur leur santé mentale, du contexte de violence exacerbé qui prévaut dans certaines familles, mais aussi des conditions économiques gravement détériorées. Le confinement pèse, à un âge où les relations sociales sont tellement importantes, dans un contexte familial parfois très complexe, avec une perte des soutiens extérieurs au milieu familial pour ceux qui en bénéficiaient. Les témoignages, souvent très émouvants, des professionnels, mais aussi des jeunes, publiés dans ce numéro en illustrent diverses dimensions, qui font dire que l’intérêt des enfants a été globalement absent des mesures prises.

Il est grand temps de redresser la barque et de veiller à ce qu’il le soit dans le cadre des mesures de déconfinement et surtout sur l’après, quand les conséquences économiques pousseront des milliers d’enfants dans la pauvreté. Sans quoi, ils auront perdu sur tous les plans.

Benoit Van Keirsbilck


(1) Arrêt n°58/2020du 7mai 2020, contre la loi du 19/09/2017 relative aux reconnaissances frauduleuses www.const-court.be/public/f/2020/2020-058f.pdf