LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°260

Violence institutionnelle

On a trop souvent tendance à réduire la violence à l'égard des enfants aux violences causées par des individus, au sein de la cellule familiale ou dans la société.

On occulte ainsi une source importante, probablement la plus importante, des violences faites aux enfants : la violence provenant des institutions, en ce compris les institutions publiques.

C'est un des mérites, et non des moindres, de l'étude sur la violence à l'égard des enfants qui vient d'être présentée par Paulo Sérgio Pinheiro, expert indépendant des Nations Unies1 , que d'avoir également mis l'accent sur cette forme de violence.

On sait depuis longtemps que les institutions peuvent, généralement de manière non intentionnelle, générer de la violence, que ce soit par leur mode de fonctionnement qui est peu respectueux des enfants et de leur rythme de vie, ou de par l'attitude des personnes qui la composent.

Comment ne pas être interpellé chaque fois qu'un enfant confié à une institution en vue de son éducation y est maltraité ! Dans le lieu par excellence où il devrait être à l'abri de toute forme de violence ! Il est aussi des situations où l'intervention des pouvoirs publics dans la mise en place de réactions visant à protéger l'enfant fasse pire que bien. Dans de tels cas, on est en droit de se demander si l'abstention d'intervention n'aurait pas été moins attentatoire à l'intégrité physique et psychique de l'enfant.

Certains types d'institutions sont intrinsèquement violentes parce que de type totalitaire. Tel est le cas des lieux où des enfants sont enfermés. Il importe d'en avoir conscience et de tenter de limiter cette violence dans toute la mesure du possible.

Cette violence est particulièrement marquée quand l'enfermement n'a aucune justification et qu'il s'exerce dans un lieu responsable de traitements inhumains et dégradants. Tous les témoignages qui proviennent des centres de détention pour étrangers le confirment : le quotidien des détenus des centres 127, 127bis, Merksplas, Vottem, Bruges, est fait de traitements «par lesquel de graves souffrances mentales ou physiques sont intentionnellement infligées à une personne, notamment dans le but (..) de faire pression sur elle ou d'intimider cette personne ou des tiers» ou «qui causent à celui qui y est soumis, aux yeux d'autrui ou aux siens, une humiliation ou un avilissement graves» (définition du traitement inhumain ou dégradant prévue à l'article 417bis et suivants du Code pénal).

Personne (et les autorités non plus) ne peut ignorer les conséquences psychologiques graves d'une détention sur des enfants et sur leurs parents.

Le mépris opposé par le Ministre de l'intérieur suite à l'arrêt Tabitha et le silence de l'ensemble du Gouvernement doivent amener des réponses plus radicales. Le dépôt de plaintes avec constitution de partie civile à l'égard des responsables des ces traitements inhumains et dégradants en fait partie.