LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de les jeunes juges du Tribunal d'Opinion * dans le JDJ N°271

La détention d'enfants en centres fermés

Nous sommes douze jeunes entre 12 et 18 ans, francophones et néerlandophones. Nous n’avons pas vécu l’enfermement. Nous sommes là pour juger si l’enfermement des enfants viole la Convention relative aux droits de l’enfant.

Nous avons entendu des témoins et des experts pendant deux jours.

Nous aurions aussi voulu entendre l’État belge pour essayer de comprendre objectivement pourquoi nous en sommes arrivés là.

Nous en savons trop et nous avons un message à faire passer.

Il y a urgence. Des enfants innocents sont enfermés dans des prisons. Et mêmes si ces prisons sont dorées, elles restent des prisons.

Il y a urgence. Selon des études scientifiques, les enfants détenus dans les centres fermés courent dix fois plus de risques d’avoir des troubles psychopathologiques. Comment une petite fille peut en arriver à trouver «normal» de menotter sa poupée ?

Il y a urgence. L’enfermement a des conséquences sur la relation parents-enfants, le parent perd son rôle d’éducateur, l’enfant prend le rôle de parent. Il est obligé de grandir trop vite.

Il y a urgence. Trop d’enfants ont vu leurs parents maltraités. Des papas et des mamans ont été saucissonnés pour monter dans l’avion, de jeunes enfants ont passé des nuits seuls quand leur papa était en cellule d’isolement, des mamans ont été séparées de leur bébé. Des parents ont subi trop de chantage pour être renvoyés.

Il y a urgence pour tous ceux qui ne savent pas ce qui va se passer et qui n’ont presque plus d’espoir de pouvoir vivre une vie normale.

Il y a urgence pour tous ceux qui sont dans les centres fermés et qui ne peuvent pas faire entendre leur voix. Ils crient pour avoir de l’aide mais personne ne peut les entendre.

Il y a urgence, les conditions de vie dans les centres fermés sont tout à fait inadaptées aux enfants. Les enfants sont toujours en présence d’adultes. Ils n’ont plus l’occasion d’être des enfants et de vivre avec d’autres enfants. Les deux enfants de Jean ont été témoins de choses qu’ils n’auraient pas dû voir. La fumée de cigarette, la télévision, l’absence de sommeil, la lumière, le bruit sont aussi inacceptables. Le devoir d’aller à l’école ne compte pas pour les enfants des centres fermés. Roman espérait y retourner pour passer ses examens mais il a été expulsé.

Quant à la santé, nous ne pouvons pas accepter que les soins soient minimalistes et que chaque problème soit résolu avec un Dafalgan. On ne peut pas attendre qu’un bébé ait 40 degrés de fièvre pendant trois jours pour appeler le médecin. Quand un problème de santé survient, chaque minute compte !

Il y a des infrastructures pour jouer mais nous ne comprenons pas pourquoi les enfants ne peuvent pas y aller toute la journée.

On ne peut rester silencieux face à cette situation. Il est urgent de penser à un autre système.

Nous exigeons la fin de l’enfermement des enfants dans les centres fermés. Nous ne voulons pas d’un embellissement. Nous ne voulons pas d’une prison dorée pour les familles avec enfants.

Nous ne voulons pas non plus qu’on sépare les enfants de leurs parents. Il existe des alternatives moins chères et plus efficaces dans d’autres pays comme en Suède.

En Belgique, des alternatives pour les mineurs étrangers non-accompagnés ont été trouvées. Pourquoi ne pas étendre ces efforts aux enfants avec familles ?

Nous n’avons plus le temps. Faut-il attendre un nouveau drame pour que les choses changent ? Nous n’avons plus d’excuse. Les dégâts que provoque l’enfermement sur les enfants sont connus depuis longtemps et sont contraires à la convention relative aux droits de l’enfant.

Il faut un changement radical, des alternatives humaines et dignes pour ces enfants dont la seule faute est d’avoir espéré une vie meilleure dans un pays démocratique.

 

Les juges : Yasmin Bhatti, Santiago Dierckx, Sarah Fassi, Zoé Grosjean, Yaëlle Leloup, Britt Lievens, Charlotte Marres, Katarina Pantic, Dorothé Pietruszewski, Eleke Raeymaekers, Jakob Lesage et Marcel Vandamme


* voir sur le site de DEI-Belgique