LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°272

Peu importe la loi, pourvu qu'on ait les emplois...

Catherine Fonck se réjouit : «le stage parental a atteint son rythme de croisière et bénéficie d'un bon accueil auprès des familles concernées».

Depuis septembre 2007, 19 stages auraient été organisés (sans qu'on ne précise s'il s'agit d'une proposition du parquet ou d'une décision du juge) par le service «Affiliations» du Pensionnat Henri Jaspar (il y en aurait 20 en Flandres où on considère que la mesure ne décolle pas).

On aura vu ce que signifie le rythme de croisière (1) : des juges violent allègrement la loi qu'ils sont chargés d'appliquer à… des jeunes délinquants et des parents désintéressés de manière caractérisée.

Certains juges refusent de communiquer une copie de leurs décisions, sachant qu'elles sont illégales. Ils justifient leur position en disant que tout le monde est d'accord pour les mesures proposées : les parents, l'enfant, l'avocat de l'enfant (on est au stade des mesures provisoires, les parents n'ont bien souvent pas d'avocat (2) ).

Et comme «Affiliation» est venu supplier les juges dans leurs bureaux («par pitié, donnez nous des dossiers»), pourquoi refuser. L'occasion fait le larron, en somme.

Le malaise vient du fait qu'en réalité, «Affiliations» n'envisage pas de faire ce que lui demande la loi : sanctionner les parents; ils disent vouloir uniquement aider les parents et les familles. Dans ce cas, ils ne peuvent pas intervenir dans le cadre de la loi de 65 qui suppose que la dimension sanctionnelle prime sur l'aide. À défaut, s'il s'agit prioritairement d'une mesure d'aide, ils doivent en conclure qu'ils ne peuvent intervenir que dans le cadre du décret de 91... mais ne sont pas agréés à cette fin.

On ne réagit pas à la délinquance par une transgression institutionnelle de la norme. Cela doit être signifié clairement à ce service. La confusion qui en résulte est bien pire. Si ce service faisait de la sanction comme le veut la loi, jamais ces ordonnances n'auraient existé et «Affiliations» n'aurait reçu aucun mandat. Or, l'existence même de ce service (agréé tant qu'à présent comme projet pilote) dépend donc bien des mandats qu'il reçoit.

D'un côté, la survie d'un service et de l'autre, des juges qui prétendent manquer d'outils. Il n'en faut pas beaucoup plus pour que l'objectif se déplace : il faut sauver «Affiliation».

On saura, au moment où ces lignes paraîtront, ce que la Cour constitutionnelle en pense (un arrêt est attendu début mars). En attendant, on peut au minimum exiger du comité d'accompagnement et de l'inspection pédagogique qu'ils remettent les balises en place.


(1) Voir Amaury de Terwangne, «Premiers stages parentaux et bardaf, c'est l'embardée», in JDJ n° 271, janvier 2008, p. 3.
(2) On oublie aussi que des parents qui ont «volontairement» accepté d'accomplir un stage parental n'auront plus la possibilité d'obtenir le renversement de leur présomption de responsabilité civile puisque l'imposition du stage parental équivaut à être déclaré comme cause de la délinquance de l'enfant. Comment prétendre ensuite avoir bien éduqué et bien surveillé ?