LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°276

N’enfermons pas la Convention dans un symbole

Après le Sénat, lors de la précédente législature, la Chambre vient d’adopter une modification de l’article 22bis de la Constitution (1). Il s’agit de l’article qui garantit à chaque enfant le droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Sous réserve d’adoption par le Sénat, cet article est complété comme suit : «Chaque enfant a le droit de s’exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement. Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement. Dans toute décision qui le concerne, l’intérêt de l’enfant est pris en considération de manière primordiale».

Selon ses promoteurs, cette révision a pour objectif d’intégrer les principes de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant dans la Constitution, «celle-ci n’ayant pas d’effet direct en droit interne».

L’objectif est dès lors de lancer un message politique, symbolique et «programmatique», afin d’affirmer que la Convention s’applique en droit belge plutôt que de reprendre l’intégralité des dispositions de la Convention dans la Constitution. C’est un principe général de droit qui y a tout à fait sa place. Une réforme globale, pour y inclure toute la CIDE, est actuellement impossible et risque de n’aboutir à rien de concret avant plusieurs années.

Cette modification est donc déjà bonne à prendre en ce qu’elle influencera des travaux parlementaires tel la modification de l’article 931 du C.J. sur l’audition des enfants en justice.

Les parlementaires qui ne sont pas convaincus de l’utilité de cette modification trouvent qu’elle n’apporte rien de plus, n’octroie aucun droit supplémentaire; elle aurait tout au plus un rôle pédagogique. Pourquoi vouloir changer quelque chose s’il apparaît que ça ne va rien changer ? Pourquoi se limiter à cette seule convention et ne pas avoir de réflexion d’ensemble ?

Quelles sont les raisons de constitutionnaliser les dispositions de cette Convention, plutôt qu’une autre ? N’y a-t-il pas redondance avec d’autres textes telle la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?

Tel est d’ailleurs l’avis de certains experts (2) entendus en Commission qui estiment qu’il est inutile de modifier une disposition constitutionnelle en matière de droits fondamentaux si le droit concerné est déjà consacré par une norme internationale.

Tout le monde n’est cependant pas convaincu que la modification ne créerait pas de nouveaux droits. Certains n’excluent d’ailleurs pas que certains tribunaux se basent sur cette disposition pour établir de nouveaux droits en ajoutant qu’il faut éviter d’adopter de simples déclarations de principe ou des dispositions qu’on ne contrôlerait pas, s’inquiétant de «coups de force prétoriens» inédits et imprévisibles, dont la crainte pourrait légitimement dissuader de son adoption (sic!).

Même si les intentions des auteurs de cette proposition sont louables, les effets pervers sont bien présents : les débats ont permis à plusieurs parlementaires d’affirmer que la CIDE n’est pas directement applicable (alors que plusieurs juges ont déjà dit le contraire), la proposition saucissonne la CIDE en n’intégrant que quelques articles dans la Constitution en lui retirant sa dimension holistique (tous les droits doivent être lus à la lumière des autres).

Les débats auront aussi permis de révéler les positionnements des uns et des autres : certains étant favorables au changement, justement parce que rien ne change (changement cosmétique); d’autres estimant que ça pourrait quand même changer les choses et s’inquiétant même que des juges pourraient en faire application (quel comble).

Il n’est pas certain du tout que la Convention en sorte grandie, mieux comprise par les parlementaires eux-mêmes et qu’elle débouche sur des changements réels dans le quotidien des enfants.


(1) Doc 52 0175/ (2007/2008): 001: Proposition de Mmes Marghem et Nyssens.
(2) Notamment Sébastien Van Drooghenbroeck, des FUNDP.