LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°275

Les leçons d'une bérézina

Un incident et c'est l'emballement, la course à toujours plus d'enfermement reprend de plus belle. Il suffit qu'un substitut bruxellois crie au loup, en exagérant délibérément la situation, pour que les politiques annoncent LA solution : il y a de nombreuses places libres en prison (comme chacun sait); on va les affecter à la quintessence de nos gangsters : les mineurs. À raison de respectivement 35 à la prison de Tongres et autant à Saint-Hubert (solution annoncée aussi transitoire que ne l'était Everberg, en attendant le nouveau centre fédéral fermé; en réalité on aura l'un, l'autre et encore des suppléments).

Le scénario est désormais bien rodé : le parquet ou les juges gueulent un coup, la presse s'emballe sans discernement, le politique réagit unanimement au quart de tour en proposant encore et toujours plus d'enfermement, les associations et unifs s'émeuvent et sortent une sempiternelle carte blanche, le Délégué général sort un communiqué, le JDJ y consacre son édito, et les places annoncées sont créées (les chiens aboient …).

Dans la foulée, la police de Bruxelles communique sur l'augmentation (calculée scientifiquement s'il vous plaît !) de la délinquance des jeunes (toujours plus, toujours plus jeunes, toujours plus grave) et réclame des moyens supplémentaires (dont on sait qu'il vont faire croître… les statistiques de l'activité policière).

Cette annonce est une insulte grave à l'encontre de tous ceux, et ils sont nombreux, qui se battent quotidiennement pour mettre en oeuvre d'autres types de réponses, infiniment plus difficiles, mais aussi beaucoup moins chères, que l'érection de murs. Ceux-là ne peuvent même pas compter sur le soutien de leur Ministre qui promotionne d'abord et avant tout la future création de dix nouvelles places en IPPJ.

C'est aussi une défaite cuisante pour les académiques, les militants des droits de l'Homme et de l'enfant et tous ceux qui tentent de promouvoir d'autres réponses que l'enfermement. C'est également une défaite pour les quelques magistrats (ceux-là sont rares) qui demandent un réinvestissement massif dans la prévention, l'enseignement, l'intégration des jeunes.

Pourquoi tous les arguments démontrant l'inanité de telles solutions sont inaudibles ?

Ceci mériterait sans conteste une analyse approfondie. Pointons : l'effet de balancier (on était trop laxiste !), l'exploitation du thème de la violence et de l'insécurité, les failles de l'action préventive, le délabrement social, la difficulté d'expliquer pédagogiquement qu'une autre prise en charge est possible et donne des résultats, le besoin des politiques d'annoncer des solution simples (simplistes ?) et très compréhensibles, la diminution du seuil de tolérance social, l'absence de volonté de prendre des risques, etc.

Le fait est que la société est construite sur des rapports de force. L'évolution de ces vingt (et plus encore des cinq) dernières années montre que le monde psycho-médico-social ne fait pas le poids face au rouleau compresseur répressif et ses solutions de facilité.

Tant que l'aide à la jeunesse n'aura pas non seulement déclaré la guerre à l'enfermement mais bien plus développé un plan de bataille solide et permanent, on continuera à avoir plus de la même chose, c'est à dire plus d'enfants enfermés et plus d'adultes pour les garder