LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°284

On n'est pas sorti... de prison

La tendance à plus d'enfermement n'est pas présente uniquement dans le domaine de la jeunesse, elle est très réelle dans l'ensemble de la politique pénitentiaire belge. Un article de Florence Dufaux, sur le «master plan prison» du Ministre de la Justice le montre à suffisance (page 12 du N° 284 du JDJ) : ce plan repose principalement - presque uniquement - sur l'augmentation de la capacité carcérale (on reparle d'ailleurs de location de prisons aux Pays-Bas pour des détenus belges).

Quand on sait que quatre facteurs déterminent la surpopulation carcérale (le nombre élevé de détention préventive; l'augmentation des durées de peines prononcées; la diminution des libérations conditionnelles; l'augmentation de la durée d'incarcération des personnes internées) et qu'on entend le Ministre affirmer «Je ne peux aucunement influer sur l'input et l'output comme tels», il y a de quoi être inquiets.

En d'autres termes, le Ministre de la Justice estime n'avoir aucune prise sur le nombre de personnes privées de liberté puisque c'est le fait des décisions individuelles prises par les juridictions (à part l'annonce que les peines de moins de 6 mois ne sont plus exécutées, ce qui n'est pas sans inquiéter des parlementaires qui y voient une impunité scandaleuse); il n'aurait d'autre choix que de construire de nouvelles prisons.

Il est vrai que toutes les réformes tendant à rendre la détention préventive plus exceptionnelle ont échoué et que d'autres réformes, positives dans leur fondement - tels les tribunaux d'application des peines - ont des effets très négatifs en la matière.

Pour autant, le Gouvernement n'aurait aucun moyen à sa disposition ? N'est-il pas en mesure d'influer sur la politique criminelle et pénitentiaire ? Faut-il se résoudre à réduire la politique pénitentiaire en une politique d'emploi (et permettant des reconversions d'anciens militaires) ?

Or, le «Master plan» ne contient aucune réflexion, et encore moins de piste de solution, sur les motifs qui amènent les juges à mettre en prison; pourtant, on sait qu'une grande proportion y est pour des faits liés aux stupéfiants.

Que la population carcérale est en grande partie composée de personnes précarisées. C'est donc à ce niveau-là que devrait se concentrer l'action du Gouvernement.

Mais c'est incontestablement beaucoup plus difficile, tellement moins populaire, et beaucoup plus sur le long terme, que d'annoncer la création de prisons.

Et si les Ministres eux-mêmes en arrivent à réclamer l'utilisation des places on n'est pas sorti de ... l'auberge! À chaque fait divers un tant soit peu médiatisé impliquant un jeune, la Ministre Fonck annonce qu'elle a libéré des places en IPPJ, avant même que les jeunes ne soient déférés devant le juge et, tout en disant la bouche en coeur qu'elle n'a pas à commenter la décision d'un juge, s'étonne que ces jeunes n'aient pas été privés de liberté.

Mais peut-être que le juge s'est tout simplement souvenu que l'enfermement est une mesure de dernier ressort et qu'il disposait d'autres possibilités que de recourir à la privation de liberté ?