LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°287

Police, violence et racisme : la gangrène

Les troubles qui se sont produits dans quelques communes bruxelloises ces dernières semaines ont, à juste titre suscité émotion et réactions, ces dernières émanant essentiellement du monde politique et policier.

La description, par cette dernière, des faits à l'origine des incidents n'étonne pas (esprit de corps oblige, la parole de la famille d'un jeune arrêté n'a aucun poids), pas plus que les conclusions auxquelles on arrive : il faut plus de moyens policiers, décharger ces derniers du travail administratif (sans dire qui va rédiger les PV des constats faits par les patrouilles) pour leur permettre d'être plus sur le terrain – cette police de proximité dont on parle depuis des années, mais qui n'existe apparemment que dans les discours – et sanctionner lourdement les fauteurs de trouble pour en faire des exemples pour tous les candidats à la castagne.

La position des politiques qui se sont exprimés est aussi courue : c'est le fait de petits noyaux de hooligans qui entraînent des plus jeunes; il ne peut y avoir de zone de non-droit dont le contrôle échapperait aux forces de l'ordre. Il y a un temps pour la prévention et un temps pour la répression; face à ces émeutes, le seul langage entendable est la répression et la lutte contre l'impunité.

On ne va pas épiloguer sur ces discours conformes au «core business» de ceux qui les prononcent, ils ne peuvent (veulent ?) pas prendre d'autre position face à un électorat qui prend peur.

Pourtant, les mesures prises après les émeutes de 1991, si elles ont «calmé le jeu», n'ont en rien permis de toucher aux premières causes d'un mal être dans ces quartiers; ce ne sont pas les caméras qui fleurissent à tous les coins de rue qui donnent du travail aux jeunes des quartiers ghettoïsés; ce ne sont pas les contrats de sécurité qui ont diminué la discrimination quotidienne vécue par nombre de jeunes.

Ce n'est pas la seule explication, loin s'en faut, mais des témoignages récurrents font état de violence gratuite et de racisme dans le chef des policiers. Ceux-ci sont sans doute jeunes, mal formés, mal encadrés et ont peur. Mais cette attitude de provocation, ces insultes racistes et cette violence gratuite agissent comme une gangrène qui affecte d'abord et avant tout la police elle-même. Si ces phénomènes ne sont pas combattus, au sein de la police, avec la même force et la même vigueur que celle qui est de mise pour arrêter les meneurs des «émeutes», cela signifie qu'il y a deux poids, deux mesures.

Et l'impunité n'est pas du côté de ces jeunes arrêtés et relâchés le jour même, mais du côté des policiers assermentés qui se croient réellement tout permis. Les victimes de ces policiers ont vite compris qu'elles ne doivent pas compter sur une justice qui donne peu de poids à leurs dires. Et elles sont prêtes à se faire justice elles-mêmes, ce qui est la pire des solutions, celle qui entraîne une escalade sans fin.