LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°288

Et si on les écoutait ?

Alors que l'heure est à la réflexion et à l'analyse des raisons qui ont poussé des jeunes molenbeekois à braver l'autorité en se transformant en émeutiers d'un jour (ou de deux ou trois), il n'est pas inintéressant de relire les travaux de Laurent Mucchielli et Abderrahim Aït-Omar qui ont analysé la parole des jeunes et sont partis de leur point de vue suite aux émeutes de l'automne 2005 dans les banlieues françaises (1).

Les auteurs commencent par analyser les raisons pour lesquelles peu de personnes ont tenté de connaître réellement le point de vue des «émeutiers» alors que chacun est vite prêt à leur prêter des intentions, en l'espèce, pas toujours vérifiées. Ce faisant, ils déconstruisent le discours public, généralement d'un niveau «café du commerce», qualifiant les événements de «violence gratuite», souvent élaboré en vue de justifier a posteriori la violence de la réaction policière.

Puis, adoptant un titre digne d'Hemingway, ils questionnent «les raisons de la colère». Globalement, celle-ci relève tant des événements qui ont déclenché les émeutes que de l'expérience de vie quotidienne de ces jeunes. Les premiers «symbolisent et cristallisent en réalité une colère préexistante issue de leur propre expérience à la fois individuelle et collective» faisant office d'étincelle, embrasant un «vécu d'humiliations multiples accumulées», expérience qui nourrit en profondeur leur rage.

Et quand on les écoute, que disent-ils ? «Certains racontent des expériences de discriminations à l'embauche, voire font du racisme une explication généralisée (…). La plupart font clairement remonter leur sentiment d'injustice et d'humiliation à l'école. Enfin, tous, sans exception, disent avec véhémence que la source quotidienne de leur sentiment d'injustice et d'humiliation est leur relation avec la police».

Il n'y a sans doute pas de très grande différence avec ce que les «émeutiers» bruxellois pourraient expliquer. Le premier pas vers la recherche de solutions structurelles serait-il de véritablement leur donner la parole ? Pour répondre à une émeute par une révolution !


(1) www.laurent-mucchielli.org/public/RIP30_Mucchielli_Ait-Omar.pdf