LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°298

Le déni d'existence

Début septembre, quelques familles trouvent refuge dans le parc Maximilien qui jouxte l’Office des étrangers et le tristement célèbre dispatching de FEDASIL, l’agence chargée, en principe, de l’accueil des demandeurs d’asile et d’autres catégories d’étrangers.

Elles seront vite rejointes par d’autres personnes qui, dans leur toute grande majorité, avaient légalement droit à un accueil, mais étaient laissées sur le carreau.

Les conditions de vie, nul besoin d’en faire un dessin, étaient déplorables : pas de sanitaires, pas d’accès à l’eau, des abris confectionnés, notamment, avec du matériel de chantier glané ici et là. Dans un tel camp de fortune et dans de telles conditions d’hygiène, les enfants (parfois en très bas âge) se trouvent, comme d’habitude, être les premières victimes.

S’il n’était la mobilisation remarquable de citoyens, d’un groupe d’avocat volontaires, puis de quelques services sociaux et, de manière exemplaire, du Délégué général aux droits de l’enfant, ces familles étaient livrées à elles-mêmes, à la merci des intempéries et de l’agressivité de quelques passants qui se voyaient privés du lieu habituel de promenade de leur compagnon canin.

Du côté des autorités publiques, c’est l’arrogance, l’incompétence ou la démission : FEDASIL et sa solide expérience de cynisme et d’indifférence habillée d’un légalisme douteux; le Secrétaire d’État à l’Intégration sociale, roi des promesses irréalisables; le CPAS de Bruxelles, aux abonnés volontairement absents; la Ville de Bruxelles, abjecte dans son attitude à la Monsieur Propre.

Détaillons : la direction de FEDASIL a pris pour attitude, face à une situation qui la dépasse depuis deux ans, de n’offrir un accueil qu’en cas de condamnation judiciaire, et encore, après avoir dû payer des astreintes astronomiques et au détriment d’une autre famille mise à la rue pour faire de la place aux nouveaux.

Le secrétaire d’État à l’Intégration sociale promet, du haut de son bureau, tout en sachant son administration absolument rétive et incapable de donner suite à ses «injonctions».

Le CPAS de Bruxelles fait fi de ses obligations légales, refusant d’acter la moindre demande d’aide, allant jusqu’à menacer de mise à pied les agents voulant simplement remplir leur mission.

La Ville de Bruxelles, Bourgmestre en tête, s’est abstenue d’intervenir, d’offrir la moindre aide, refusant même de placer des toilettes; pire, les services sociaux dépendant de la Commune ont été priés de ne pas se mêler de cette situation (et ont obtempéré !) jusqu’au jour de l’expulsion manu militari du camp : ce jour-là, ils débarquent pour demander aux campeurs de déguerpir (sans proposer d’alternative, bien entendu)… en annonçant l’arrivée de la police. Un service social qui joue la tête de pont des forces répressives, pas joli joli.

La suite on la connaît : une centaine de personnes baladées d’un endroit à l’autre, refusées partout, qui n’a pas droit à l’accueil, mais pas non plus à exister dans l’espace public, qui finit dans un squat insalubre et dangereux… jusqu’à la prochaine expulsion, la transhumance suivante et… le prochain camp de fortune. Tout ceci remet en question notre État de droit, notre propre humanité et la dignité de toutes ces personnes qui ne faisaient objectivement rien de mal et à qui on n’a rien à reprocher.