LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Amélie Mouton dans le JDJ N°308

Familles à la rue : tous aux abris ?

«Il y a environ un mois, en allant au boulot, j’ai vu par terre un amas de bosses, de tissus dégueulasses. Au même moment, les bosses ont bougé. Et j’ai vu surgir de ce tas de couvertures nauséabondes, une très très petite fille. Un bébé. Et puis un autre, et puis leurs parents. Une famille, là, comme si de rien n’était. Une famille avec deux bébés qui démarrait sa journée comme toutes les familles. Mais par terre, dehors, au milieu de ses sacs, sous le nez de nous tous qui partions bosser (…) Je n’avais jamais visualisé que ça se passait comme ça. Que ces gens avaient des enfants, qu’ils dormaient vraiment dehors. Alors qu’en y réfl échissant, c’est évident. Mais là… ça m’a comme giflée».

Ce récit est celui d’une jeune illustratrice française à la mode, Pénélope Badieu (1). La scène se déroule à Paris, mais elle aurait tout aussi bien pu se passer à Bruxelles ou dans une autre ville belge, sous les yeux effarés d’un citoyen ordinaire se rendant comme chaque jour au boulot. Car il est tout à fait possible de voir chez nous, aujourd’hui, des enfants qui dorment dans la rue.

Il y a eu, récemment, les sept familles Roms de la place Gaucheret, à Schaerbeek, qui, d’expulsion en expulsion, ont passé plusieurs nuits dehors avec leurs 22 enfants, dont des bébés. Le délégué général aux droits de l’enfant a relevé que certains souffraient d’hypothermie. L’intérêt supérieur de l’enfant dans tout cela ? Les familles auraient tout aussi bien pu utiliser des exemplaires de la Convention internationale des droits de l’enfant pour se faire un lit à la belle étoile.

Début octobre, une solution «provisoire» a été trouvée : les familles sont relogées dans un immeuble du foyer schaerbeekois. «La fin du cauchemar», racontent les médias. Vraiment ? Une solution «provisoire», pourtant, qui dit bien ce qu’elle est : un emplâtre sur une jambe de bois. Jusqu’à la prochaine famille à la rue.

Car la situation dépasse, de loin, la seule «question Roms». On avait déjà vu des familles demandeuses d’asile obligées de dormir sous tente dans le parc Maximilien, en raison de la saturation du réseau d’accueil. Les CPAS renvoyant la balle à Fedasil, qui en retour, fustigeait la passivité des autorités fédérales.

Dans cette cacophonie, personne ne semble vouloir prendre ses responsabilités.

«Face à un monde qui bouge, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement», disait déjà en son temps l’humoriste Francis Blanche. Voilà une formule qui devrait inspirer nos décideurs, confrontés à un phénomène qui semble prendre de plus en plus d’ampleur. L’actuelle politique d’asile et d’immigration doit évoluer, dans le sens du respect effectif des droits les plus fondamentaux et de la dignité humaine, et encore plus lorsqu’il s’agit des enfants. En attendant, va-t-on devoir s’habituer à voir des familles dormir dans la rue ?


(1) http://www.penelope-jolicoeur.com/2011/09/note-pas-très-rigolote-je-vous-aurai-prévenus.html