LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Amélie Mouton & Benoît Van Keirbilck dans le JDJ N°327

Super Maggie fait sa rentrée

C’était une promesse de la note de politique générale «Intégration sociale» du 21 décembre 2012 : le gouvernement, par l’entremise de Maggie De Block, s’engageait à diminuer la pauvreté d’ici 2020, promettant, avec une précision toute comptable, de sortir 380.000 personnes de la pauvreté. «Un objectif ambitieux», selon les propres mots de la Secrétaire d’Etat à l’Intégration sociale et la lutte contre la pauvreté, qui annonçait alors ses quatre priorités : la lutte contre la fraude sociale, l’activation «pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté», une politique «active» via les CPAS pour «réduire la pauvreté de manière préventive» et enfin, l’éradication de la pauvreté et particulièrement de la pauvreté des enfants.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette novlangue de bois (pour diminuer le nombre de pauvres… le gouvernement va éradiquer la pauvreté), mais passons. Avec son efficacité légendaire (1), Super Maggie s’est mise au boulot. Pendant l’été, on a ainsi eu le plaisir d’apprendre que la chasse aux domiciliations fictives serait ouverte dès la rentrée; pour des économies de bouts de chandelles, des fonctionnaires zélés vont désormais traquer tous ces couples précaires et ces jeunes qui vivent en collocation pour joindre les deux bouts.

Notre gouvernement ne veut pas voir que si certains se domicilient à des adresses fictives pour pouvoir toucher des allocations majorées (ce qui signifie aussi accepter de vivre dans le stress permanent d’être découvert), c’est parce qu’ils rament. Hé oui ! Aujourd’hui plus qu’hier, c’est le royaume de la débrouille faute de trouver un emploi convenable (c’est-à-dire payé décemment, utile à la société et exercé dans de bonnes conditions).

La contradiction est manifeste entre cette mesure et la volonté affichée de lutter contre la pauvreté des enfants. Car un nombre croissant de familles touchées par la crise doit se contenter de ces allocations constamment rabotées, alors qu’elles sont déjà notoirement insuffisantes pour vivre dignement.

Certes, Maggie De Block a lancé quelques initiatives intéressantes en matière de droits de l’enfant, notamment la rédaction d’un plan de lutte contre la pauvreté infantile (2), présenté en juin dernier et qui est une première du genre en Belgique.

Très récemment, elle a également annoncé le lancement d’un portail Internet, lesjeunescontrelapauvrete.be, où les enfants sont invités à s’exprimer sur la pauvreté infantile.

Reste à voir si tout cela ne restera pas au stade des intentions, faute de mesures suffisamment concrètes, d’échéances et surtout de budgets. Les CPAS, acteurs principaux de ce plan, sont déjà incapables de répondre à toutes leurs missions.

Et derrière les atours séduisants, il y a ces réalités bien concrètes : la diminution des allocations de rentrée des classes, les chômeurs exclus, la dégressivité des allocations de chômage, la précarisation des travailleurs, sans oublier les restrictions sur le regroupement familial, le retrait du droit au revenu d’intégration pour les européens ou encore l’interdiction, pour les personnes régularisées sur base du travail, d’obtenir des allocations sociales. Toutes mesures qui font aussi partie de la politique de ce gouvernement.


(1) Cf. l’édito admiratif et complaisant de Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du Soir, du 31 juillet 2013 sur la politique d’asile de la Secrétaire d’Etat, auquel la Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation a répondu avec brio (voir : http://regularisation.canalblog.com/archives/2013/08/06/27792644.html
(2) Voir sur le site de l’intégration sociale : http://www.mi-is.be