LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirbilck dans le JDJ N°328

Les bras d’honneur du Gouvernement belge

La 34ème session du Conseil des droits de l’Homme, en septembre, a produit son lot de résolutions et déclarations. Les plus médiatisées, sans aucun doute à juste titre, sont celles qui traitent de la Syrie. Le spectre des bombardements alliés s’est un peu éloigné, le démantèlement de l’arsenal chimique qui vient de commencer (et qui prendra des mois, voire des années) a retenu toute l’attention au point qu’on en vient à oublier que la guerre continue, que des enfants, des femmes et des hommes se font tuer quotidiennement, crèvent de faim ou doivent fuir pour s’entasser dans des camps aux frontières de leur pays dévasté; dès lors que ce n’est plus avec des armes chimiques, les morts et les souffrances compteraient-elles moins ?

Pourtant, en vertu de quoi «l’occident» ferait-il la leçon en matière de droits de l’Homme ? Les Gouvernements de ces pays, qui refusent d’accepter un peu plus de réfugiés (voyez les tergiversations après le nouveau drame de Lampedusa), sont en train de perdre toute légitimité. La Belgique, en extradant Trabelsi vers les Etats Unis alors qu’une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme, confirmée par une décision en référé, l’interdisait, n’a évidemment pas de quoi pavoiser.

On aura rarement vu un tel mépris vis-à-vis de la Cour et une telle arrogance dans la justification de la mesure. Et ça n’émeut que peu de monde et pour le temps médiatique strictement nécessaire.

Ceci s’est passé pratiquement sous les yeux du Comité de prévention de la torture qui était en visite en Belgique et qui a notamment inspecté différents lieux de détention. À leur égard, la Belgique ne fait pas montre de plus de respect : la surpopulation chronique des prisons, renforcée par une politique pénitentiaire totalement délirante, les conditions de détention qui datent du Moyen-Age, l’absence de service minimum en cas de grève (malgré un protocole d’accord qui avait été signé par la Belgique), sont autant de bras d’honneur de la Belgique à la Communauté internationale.

Tout ceci amène malheureusement à sérieusement relativiser la portée d’autres déclarations de bonnes intentions telle une résolution, qui n’a rien de contraignant, sur « Les droits de l’homme dans l’administration de la justice, y compris la justice pour mineurs»(1).

Même si elle contient des rappels fondamentaux (lutter contre la surpopulation en prison en ayant notamment recours à des peines non-privatives de liberté, réduire la détention provisoire, mettre en place des mesures de surveillance des lieux de détention, enquêter en cas de violation des droits de l’Homme des détenus, l’importance de la réinsertion des jeunes délinquants, l’interdiction de la peine capitale et prison à vie contre des enfants, tenir compte de la présence d’enfants quand on condamne des parents...), ceux-ci risquent bien de rester lettre morte vu le cynisme des États face aux droits fondamentaux.

Les mécanismes de contrôle des traités onusiens sont souvent d’une faiblesse déconcertante. Pourtant, à défaut de mieux, c’est ceux-là qu’il faut continuer à actionner, en restant la mauvaise conscience des États.