LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°334

La politique en cati-mini

La dernière réforme de l’État a transféré aux Communautés (et à la COCOM à Bruxelles) le pouvoir de déterminer les mesures qui peuvent être prises à l’égard des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction (en ce inclus les règles de dessaisissement et de placement en établissement fermé).

Il reviendra aux Gouvernements issus des élections de mai 2014 de décider s’il y a lieu, et en quoi, de légiférer dans cette matière et en particulier de modifier les mesures que peut prendre le juge de la jeunesse, s’il faut abroger (ou non !) le dessaisissement, modifier le statut du Centre fédéral fermé ou les conditions de placement en IPPJ,...

Notons en tous cas déjà une grande différence entre les Communautés : en Flandre, le débat a déjà été lancé de manière publique(1); en Communauté française, la Ministre Huytebroeck avait mis sur pied un « groupe de travail secret », présidé par Pierre Rans, substitut du Procureur général près la Cour d’appel de Bruxelles, qui s’est réuni à pas moins de 18 reprises en près de 3 ans et a remis son rapport(2) il y a quelques semaines à la commanditaire qui annonce tout de go qu’elle n’a pas l’intention de le rendre public avant les élections.

En quoi la diffusion de ce rapport (92 pages + 180 pages d’annexes – qui a été présenté au « Comité de concertation entre les magistrats de la jeunesse et les conseillers et directeurs » et au Conseil communautaire de l’aide à la jeunesse) pose-t-elle problème au regard des élections ? Est-ce à dire que la Ministre n’en approuve pas les conclusions et qu’elle craint de devoir en répondre pendant la campagne électorale ? Qu’elle se rassure, la protection de la jeunesse, hors faits divers et demande de pénalisation, n’est jamais un enjeu électoral ; la question étant en outre complexe, et la période propice aux simpli? cations, elle ne sera pas débattue de manière approfondie.

Il n’en reste pas moins que pour les acteurs du secteur, et surtout pour les jeunes concernés, les orientations qui seront prises pourraient avoir un réel impact. D’où la nécessité de favoriser une large diffusion de ce rapport que le JDJ a décidé de placer sur son site internet pour permettre à chacun de se forger sa propre opinion. Nous reviendrons bien entendu sur le contenu de ce rapport dans un prochain numéro.

À la COCOM, pas le moindre frémissement d’un début de réflexion; elle nous refait le coup de l’Ordonnance bruxelloise qui a mis 17 ans à voir le jour. L’instance est, comme d’habitude, en léthargie, alors qu’il y a des ministres communs avec chacune des Communautés; comprenne qui pourra ! Pourtant, Bruxelles est au carrefour des deux communautés et devra imaginer un système permettant la recherche d’un équilibre entre les décrets, sur des questions dont les enjeux peuvent être majeurs, par exemple, si une communauté abroge le dessaisissement et pas l’autre.

Raison de plus pour commencer à y réfléchir !


(1) Voir : Vers un nouveau droit de la jeunesse en Flandre ? Isabelle Detry et Camille Claeys in JDJ n° 331, janvier 2014, p. 12.
(2) « Communautarisation de certaines dispositions de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifi é infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait ». Rapport du groupe de travail créé à l’initiative de la Ministre de l’Aide à la jeunesse, mars 2014.