LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de A. Mouton et B. Van Keirsbilck dans le JDJ N°335

Bavures, moi non plus

Difficile d’aborder le problème des violences policières sans créer une guerre des tranchées. Les policiers se hérissent, vivent ce débat comme un manque de respect et de reconnaissance vis-à-vis de leur profession et se posent en victimes.

À leur décharge, il faut reconnaître que leur corps de métier est l’objet de bien des fantasmes, pas toujours flatteurs. Dans le numéro 335 du JDJ, Caroline De Man, doctorante à l’ULB, démonte ainsi le cliché qui voudrait que tous les jeunes soient par nature « anti-police ».

Reste cependant ces réalités indiscutables : un jeune déboussolé tabassé à mort dans un commissariat d’Anvers en janvier 2010; un ado contrôlé par la police des chemins de fer qui se jette sur les voies du métro et décède en mars 2014 ; un comédien qui se plaint d’avoir été molesté par la police d’Ixelles, en avril 2014. Pour ne citer que quelques cas et sachant qu’il y a aussi tous ceux qui n’ont même pas osé porter plainte. C’est que l’impunité qui règne est décourageante; porter plainte contre un policier, c’est s’exposer au risque d’encourir des poursuites pour « rébellion ».

Retour de manivelle utilisé par les forces de l’ordre pour camoufler tous les dérapages. Les plaignants s’en sont souvent mordus les doigts après coup. Or, même s’ils ne sont le fait que d’une poignée d’individus déviants, les abus policiers doivent être sanctionnés.

L’autre facette du problème, c’est la répression exercée par l’Etat à l’encontre de toute forme de contestation sociale. Le 15 mai, des militants qui protestaient pacifiquement (tous les témoignages concordent) contre un traité commercial de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis ont été arrêtés en masse (1). Nouvel excès de zèle du commissaire Vandersmissen, figure bien connue des activistes de tout poil, qui a la réputation de provoquer les manifestants pour faire dégénérer la manifestation et donc justifier la répression, ou ordre d’Yvan Mayeur, Bourgmestre de Bruxelles, qui en quelques mois dans cette nouvelle fonction aura été soupçonné de porter atteinte à trois reprises au droit de manifester ?

Quoiqu’il en soit, l’action de la police remet ici en cause l’exercice des droits les plus fondamentaux, fondements de notre démocratie.

Les clés d’un possible dialogue se trouvent sans doute dans la loi, même si elle est perfectible. C’est un constat récurrent : nombre de policiers méconnaissent certains rouages légaux élémentaires, ce qui peut les conduire à abuser de leur pouvoir ou même à ne pas faire leur devoir correctement, c’est-à-dire devenir eux-mêmes délinquants. Les citoyens aussi sont notoirement mal informés. C’est pourquoi le JDJ est fier d’être associé à l’édition du livre de Mathieu Beys : Quels droits face à la police ? (2) dont il vous propose quelques bonnes pages dans ce numéro. Ce manuel extrêmement fouillé, qui fait le tour du sujet en 500 questions, est à coup sûr la référence dont tout le monde a besoin : les jeunes, les vieux, les policiers, les travailleurs sociaux et les représentants politiques.

Amélie Mouton et Benoit Van Keirsbilck