LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Amélie Mouton dans le JDJ N°336

Du plan hiver au calendrier perpétuel

Se retrouver à la rue avec des enfants : une galère de plus en plus fréquente, comme en témoignent les chiffres du Samu social de Bruxelles.

En 2013, le service d’accueil d’urgence a pris en charge 292 familles, contre 141 en 2008. Parmi elles, de plus en plus de mamans seules qui arrivent avec leurs enfants, fuyant les violences conjugales.

Les centres d’accueil pour femmes battues étant saturés de demandes, elles n’ont d’autres choix que de se tourner vers ce service. A leur côté, il y a aussi des familles expulsées de leur logement (dont des logements sociaux et ILA (Initiative locale d’accueil) !), ainsi que des familles migrantes qui ont parfois épuisé toutes les procédures d’accueil et auxquelles pend au nez la menace d’un renvoi dans leur pays d’origine.

Hébergées dans le cadre du plan hiver, 53 d’entre elles étaient menacées de se retrouver à la rue début avril. Grâce à la pression du monde associatif, les pouvoirs publics ont décidé de prolonger le dispositif d’accueil pour trois mois. Logées dans les bâtiments du Samu social rue du Trône, elles ont pu bénéficier d’un accueil permanent et d’un accompagnement psycho-social intensif pour les aider à trouver une solution de sortie de rue.

25 d’entre elles ont ainsi pu être relogées grâce à un travail en réseau avec le secteur associatif bruxellois. Certaines vivent à présent dans des logements privés, des maisons d’accueil, d’autres ont été prises en charge par le réseau communautaire ou familial. Pour Christophe Thielens, du Samu social : «cette expérience prouve qu’en prenant le temps et en menant un travail de fond, on peut trouver des solutions. Cela permet aux familles de reprendre confiance, de se reconnecter avec leur environnement, de scolariser les enfants.»

Mais trois mois, ça passe très vite. Tout le monde retenait donc son souffle à quelques jours de la fin prévue de ce dispositif d’accueil, le 30 juin dernier; les 28 familles toujours logées par le Samu social et les travailleurs sociaux qui les accompagnent dans leur recherche d’une solution d’hébergement durable. A nouveau, les associations sont montées au front, ont publié des communiqués, pour finir par obtenir de la COCOM et du gouvernement bruxellois que le dispositif soit encore prolongé de trois mois. Jusqu’au 30 septembre prochain, donc.

On mesurera la débauche d’énergie nécessaire pour obtenir, au coup par coup, des moyens supplémentaires permettant d’offrir un accueil digne à ces familles en difficulté. «On est chaque fois obligé de rentrer dans le système d’alerte médiatique» souligne Christophe Thielens. Les efforts sont de plus largement insuffisants : même si une solution est trouvée pour toutes ces familles, d’autres viendront frapper plus tard à la porte. Et l’on ne parle pas de toutes celles qui vivotent actuellement dans des squats et qui ne peuvent accéder à ce service au nombre de places limitées.

Qu’attend-on pour créer un dispositif d’accueil structurel et permanent, seule option possible pour permettre à ces familles et leurs enfants de sortir durablement de la rue et de la précarité ? La balle est dans le camp du futur gouvernement bruxellois.