LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Caroline De Man & Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°359

La longue route de Calais à Strasbourg

Le démontage de Calais a laissé de nombreuses personnes sur le carreau, dont un grand nombre de mineurs non accompagnés qui ne sont pas adéquatement pris en charge. De nombreux enfants ont disparu dans cette opération dont l’objectif n’était manifestement pas de respecter les droits fondamentaux des migrants, mais de se débarrasser au plus vite, peu en importe le prix, d’une situation qui fait honte.

La manière dont les autorités françaises ont géré le démantèlement de ce camp est proprement scandaleuse. A l’image de la politique européenne de non-accueil des réfugiés qui se traduit par des milliers de morts en mer (plus de 4000 pour cette seule année), la disparition de milliers d’enfants, les humiliations et traitements inhumains et dégradants.

Il faut encore ajouter à cela la totale indécence de déclarations politiques, telles celles de Karl Decaluwe, Gouverneur de Flandre Orientale qui ose répéter : « il ne faut pas nourrir les réfugiés » (comme s’il parlait des pigeons considérés comme une nuisance), l’attitude scandaleuse de Théo Francken qui, malgré plusieurs décisions de justice qui l’y obligent, refuse un visa humanitaire à une famille en provenance d’Alep ou l’incroyable cynisme de la politique qui mise davantage sur l’envoi de policiers à la frontière avec la France pour empêcher l’arrivée sur notre territoire de personnes cherchant un lieu pour survivre, plutôt que des travailleurs sociaux, du personnel de santé, la Croix Rouge en mesure de leur porter assistance.

Cela participe pleinement au discours de haine ambiant que la construction européenne avait pourtant mis des années à combattre et qui trouve à l’heure actuelle trop de canaux de diffusion, officiels qui plus est. Ces politiques sont tellement éloignées des valeurs de dignité et de respect des droits humains qui nous sont si chères.

Par contre, maintes initiatives citoyennes font la démonstration que ces valeurs animent toujours la population. Des personnes se mobilisent pour distribuer des repas, organiser l’accueil de familles en exode, récolter des dons, susciter des débats dans l’espace public et surtout résistent au climat ambiant, fait de repli sur soi, d’égoïsme, de rejet de la différence et d’indifférence face à la détresse.

Gardons aussi en mémoire les déclarations du Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe, fondées sur la Charte sociale européenne, qui soulignent la nécessité urgente et inconditionnelle de traiter avec solidarité et dignité les hommes, femmes, enfants qui arrivent sur le territoire européen et qui ont le droit à une protection de l’État en tant que réfugiés. L’accueil dans les pays européens est le meilleur moyen de leur offrir cette protection. Les États ne doivent pas seulement garantir les droits civils mais aussi assurer le respect du droit à l’intégrité physique et mentale.

L’espoir reste permis.