LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Florence Bourton dans le JDJ N°368

Réforme de l’asile : fermée et inhumaine

Une soixantaine d’années est passée depuis l’adoption de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Avec celle-ci, la communauté internationale a proclamé haut et fort la nécessité d’offrir protection et refuge à une personne qui fuit un territoire où sa vie et sa liberté sont menacées.

En cette fin d’année 2017, en Belgique, ces considérations humanistes s’éloignent encore un peu plus. Bientôt réformé, le droit de l’asile est en voie de devenir une figure du passé.

En effet, deux projets de loi (1) visent à transposer dans notre droit national deux directives européennes de 2013, ce que la Belgique aurait dû faire pour… 2015. Quitte à être en retard, autant prendre le temps de bien faire les choses ! Eh bien non ! Le texte est déposé au parlement fin mai 2017 afin d’être adopté en commission la semaine suivante et d’être voté en séance plénière avant le 21 juillet.

Comprenez-bien, il y a urgence : ce sont bientôt les vacances parlementaires. Malheureusement pour lui, Monsieur Francken devra prendre son mal en patience, le projet est reporté à la rentrée.

Au menu de cette «loi mammouth»: procédures accélérées, délais de recours raccourcis, disparition de la vie privée (2), apparition du concept de «pays tiers sûr» - non défini - vers lequel on peut être renvoyé sans aucune garantie. Ajoutons à cela l’enfermement prévu dès qu’il y a un «risque de fuite» et une liste de critères présumant ce risque longue comme le bras ; à peu près tout étranger pourra se retrouver enfermé. Et l’intérêt de l’enfant dans tout ça ? Ah mince, celui-là, ils l’ont oublié…

Début novembre, les parlementaires s’apprêtent à voter ce texte. A quelques kilomètres de l’hémicycle, enfermée depuis son arrivée en Belgique, une jeune fille tente de se suicider au centre Caricole. Pas de quoi ébranler les convictions de notre Secrétaire d’Etat qui continue à qualifier sa politique d’humaine.

Quand notre gouvernement comprendra-t-il qu’en plus d’être inhumain, l’enfermement provoque des drames incommensurables ? Quand cessera-t-il de faire l’amalgame entre «étranger» et «menace» ; entretenant par-là les discours de haine qui se répandent comme une trainée de poudre ?

Depuis son entrée en fonction, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration balaie les droits fondamentaux des étrangers presque aussi vite qu’il écrit ses «tweets».

La majorité acquiesce et l’opposition est pratiquement inaudible… À peu près seuls, des citoyens et des associations se mobilisent pour conserver un minimum d’humanité à une société qui se replie de plus en plus sur elle-même, incapable d’honorer la grandeur d’âme des promoteurs de la Convention de Genève ou de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.

Florence Bourton


(1) Projets de loi 2548 et 2549 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers.
(2) Les projets de loi prévoient qu’en cas de soupçon de rétention d’informations, l’État belge pourra demander qu’on lui remette, entre autres, tout appareil de communication (téléphone portable, tablette, ordinateur portable, …), tout support informatique (clé USB, CD-ROM, carté mémoire), etc. La Commission vie privée, interrogée sur ce point, a rendu un avis négatif sur le texte le 11 octobre 2017 (avis n° 57/2017).