LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck et Caroline De Man dans le JDJ N°369

Réflexions en vrac sur la violence urbaine

Violence, vous avez dit violence ?

Quelques casseurs ont profité d’effets de foule pour foutre le bordel à Bruxelles et donner ainsi aux politiques la possibilité de politiser l’incident : Bruxelles est mal gérée, la police est incompétente, il faut fusionner les zones de police, ces jeunes ne comprennent que la répression, chercher à comprendre c’est déjà justifier, il faut appliquer la tolérance zéro et tutti quanti.

C’est la loi du genre, accentuée par le populisme qui n’est en définitive l’apanage d’aucun parti.

Beaucoup de choses ont été écrites et la presse, surtout du nord du pays, en a remis une couche. Mais permettez-nous quelques réflexions nécessairement (im)pertinentes. Où est la violence ?

Quelques casseurs donnent la trouille à quelques passants et commerçants (qui, entendons-nous ont eu de belles raisons d’avoir la frousse) et provoquent 30.000 euros de dégâts tandis qu’une poignée de fraudeurs (cf. Paradise et Panama Papers) provoquent impunément la fuite de milliards de capitaux privant la majorité des belges de services publics de qualité et les plus démunis de leur dignité.

La visibilité des premiers, amplifiée par l’immédiateté des médias sociaux, cache sans conteste la violence insidieuse, véritable travail de sape des seconds. Mais ceux-ci ne sont-ils pas, au minimum en partie, la cause de ceux-là ?

Notons au passage qu’en matière d’indignation sélective, la manifestation de 300 «supporters» de foot qui a tourné à l’émeute raciste à Gand le 3 décembre, est passée quasi inaperçue.

Y a t’il des violences plus acceptables que d’autres ?

Mais bon sang, c’est bien sûr

Le Délégué général aux droits de l’enfant rappelle à qui veut l’entendre qu’il faut investir dans les crèches. Certes, c’est indéniable, mais chacun aura compris que cet investissement, si tant est qu’il soit consenti, portera des fruits au mieux dans vingt ans. Beaucoup trop long pour le politique, mais aussi pour le citoyen qui exprimera son inquiétude dans les urnes dans les deux ans qui viennent.

Le même rappelle aussi que la politique du pain et des jeux (l’occupationnel décliné sous toutes ses formes dont le bourgmestre de Saint-Gilles, chantre des politiques sécuritaires à Bruxelles, estime qu’il est le nec plus ultra de la prévention) a démontré toutes ses limites. De même, d’ailleurs, que la tolérance zéro décriée par les chercheurs et le procureur du roi de Bruxelles qui considèrent que c’est au mieux un (mauvais) slogan.

Alors oui, il faut investir dans la prévention; mais encore faut-il s’entendre sur cette notion. S’il s’agit avant tout d’empêcher des personnes de passer à l’acte, ce n’est pas gagné. S’il s’agit de réellement considérer tous ces jeunes comme des citoyens et de les traiter comme tels, en leur donnant accès aux biens et services ainsi qu’aux opportunités dans une perspective d’égalité des chances, alors, il y a de l’espoir. Mais c’est tellement plus difficile un travail à plus long terme et qui porte sur un réel changement de paradigme auquel peu de personnes sont prêtes.

Et oui, il faut chercher à comprendre ce qui motive ces «casseurs» d’un ou plusieurs soirs. Et non, comprendre ne signifie pas excuser (contrairement à ce que le bourgmestre de Bruxelles affirme dans le sillage de l’ancien premier ministre français) ; mais bien plus, il faut les écouter, les entendre et les associer à la solution. C’est-à-dire leur permettre de s’impliquer dans la chose publique. Autrement plus difficile on vous dit !!