LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck et Caroline De Man dans le JDJ N°370

Quel succès ! Merci messieurs Francken, Jambon et Michel

Du fond du coeur, nous souhaitons vous dire merci ! Merci pour la politique que vous menez depuis deux ans et demi; pour vos prises de position toujours plus abjectes; pour votre façon bien à vous d’opposer les citoyens en promouvant les discours de haine; merci pour tout ça et pour bien d’autres réalisations du même acabit.

Il faut le reconnaître, vous avez réussi là où de nombreuses associations et citoyens rament depuis des années, se désolant de l’évolution de plus en plus individualiste et duale de notre société, de ce besoin de chercher un bouc émissaire dans la personne du pauvre, de l’étranger, de l’allocataire social.

Vous êtes parvenus, sans aucun doute malgré vous, et à l’insu de votre plein gré, à remobiliser les citoyens, à recréer du lien, à déconstruire (peu à peu, il reste encore bien du travail) les préjugés, à créer des occasions pour que les citoyens aillent à la rencontre d’étrangers tout en leur permettant de se rendre compte qu’ils ne sont pas dangereux comme vous voulez le leur faire croire, qu’ils peuvent contribuer positivement à la société belge et qui plus est, qu’ils ont de nombreuses et excellentes raisons d’avoir fui leur pays.

Vous avez provoqué une mobilisation citoyenne d’envergure et une certaine humanisation de notre société. Grâce à votre travail acharné, les Belges sont de plus en plus nombreux à être choqués, voire dégoûtés du traitement réservé à autrui, et donc en faveur d’une politique d’accueil des migrants; ils sont également plus nombreux à être informés des persécutions auxquelles les réfugiés sont exposés dans leur pays d’origine (1).

En renvoyant des Soudanais risquer de se faire torturer dans leur pays, alors que personne ne pouvait imaginer une telle complicité macabre, vous avez été visionnaires et avez démontré aux yeux de tous les incrédules que ce pays (exemple parmi tant d’autres) n’est rien d’autre qu’une dictature sans foi ni loi.

Rarement, politique aura été plus efficace pour mobiliser des personnes relativement passives, peut-être indifférentes au sort de l’autre. En provoquant cette large mobilisation, vous avez permis une vague d’accueil d’étrangers au coeur de l’intimité du foyer de nombreux citoyens, évitant à ceux-là le confinement des centres d’accueil souvent éloignés des zones habitées.

Ce faisant, la population a répondu par des actes forts aux accusateurs de tout poil : «si vous voulez des réfugiés en Belgique, vous n’avez qu’à les accueillir chez vous» ; eh bien, grâce à vous, c’est ce qui se fait et la tâche d’huile se transforme en marée (et pas noire, pour le coup, même si les discours de haine se propagent tout aussi vite, sans doute en grande partie grâce à vous).

Et pour le même prix, vous êtes aussi en train de réussir à gonfler les rangs d’une autre mobilisation, celle pour sauver la sécurité sociale, lutter contre la privatisation de plusieurs pans de nos services publics et contre le délitement de la justice et de la protection sociale.

Tout ceci aura, il faut bien le dire, causé le franchissement de tant et tant de lignes rouges. Prix à payer pour un retour de la solidarité et de l’humanisme ?

Si oui, c’est cher payé.

Allez, encore bravo et merci, mais c’est bon maintenant, buiten !

Et à tous les autres, nous adressons nos meilleurs voeux pour 2018, année de la solidarité renouvelée et des futures luttes citoyennes.

Benoit Van Keirsbilck et Caroline De Man

(1) D’après une étude de l’ULB et de la KUL, référencée par www.amnesty.be/camp/asile/prejuges/toutescesquestions