LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°381

Vos gueules les vieux schnocks !

Depuis quelques semaines, la jeunesse belge donne de la voix pour le climat. Si l’on aurait pu croire que le mouvement battrait vite de l’aile, il n’en est rien et, en ce début de campagne électorale, cela commence à en inquiéter plus d’un. On entend souvent formuler le vœu que nos enfants deviennent des adultes conscients du monde qui les entoure, informés sur les enjeux sociétaux, dotés d’une pensée autonome et critique… Mais ça, c’est pour plus tard, « quand tu seras grand.e ».

A entendre et lire certaines réactions dans les médias, il faut croire qu’on exige des jeunes qu’ils.elles soient obéissant.e.s, dociles et ne prennent pas position, dans l’attente du jour où ils.elles seront assez matures pour s’exprimer - quand donc ?

D’aucuns sous-entendent que les jeunes ne sont pas capables d’avoir une opinion propre, que leur mouvement est forcément manipulé. Certains dénoncent une fanatisation abusive de l’enfance. Ceci sans parler des mensonges loufoques de l’ancienne ministre flamande de l’environnement, Joke Schauvliege. Ces critiques sont non seulement écoeurantes mais en plus ridicules, souvent méprisantes et dans certains cas d’une arrogance inouïe.

Le militantisme des jeunes est souvent nourri par les motivations les plus sincères, n’étant pas encore contraints par les obligations et le poids de « la vie d'adulte» : travail, responsabilités, regard sociétal, etc. Ces adultes qui accusent les jeunes militant.e.s leur attribuent sans doute un peu vite leurs propres modes de fonctionnement faits de petits calculs et de jeux politiques.

D’autres évoquent leur naïveté, affirmant qu’il n’y aurait pas de crise climatique – encore une idée mise dans la tête de ces jeunes pour les manipuler. C’est ainsi que Bart De Wever a déclaré qu’il ne fallait pas « croire aux scénarios d’apocalypse ni aux prédictions de malheurs qui exigent que l’humanité fasse des changements irréalistes ». C’est là qu’on se demande qui a pris le temps de s’informer et de lire le rapport d’un certain GIEC (1).

Quant aux déclarations de la Ministre Schyns (« les manifestants sont responsables de leur scolarité »), soulignons que ces jeunes offrent la plus belle démonstration pratique de leur implication citoyenne et de la revendication de leurs droits les plus fondamentaux. N’est-ce pas à cela que veut les mener le cours de philosophie et citoyenneté ? Et quoi de mieux, pour apprendre cette citoyenneté, que de l’exercer pratiquement ? Les menaces de sanctions contre les jeunes brosseurs sont encore des réponses d’adultes qui n’ont pas pris la mesure des choses et l’importance vitale de cette mobilisation.

Rappelons, puisque c’est nécessaire, que le droit à la participation signifie qu’un.e mineur.e a le droit d’exprimer son opinion sur toute question qui le.la concerne.

Ce droit fondamental est inscrit à l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi qu’à l’article 22bis de notre Constitution. Ajoutons que le droit à un environnement sain est, lui aussi, un droit fondamental reconnu par les textes internationaux en tant que facette du droit à la vie et du droit au respect de la vie privée. Ainsi, les jeunes belges marchent pour demander à l’Etat de respecter et mettre en oeuvre ses obligations internationales et le font par le seul biais qui leur est offert, la contestation citoyenne, démontrant au passage qu’il n’y a plus aucune raison sérieuse de leur refuser le droit de vote.

Quelle plus belle démonstration d’une réelle participation, intelligente, informée, mobilisatrice et bien plus adulte que les réactions de nombre de vieux schnocks qui n’ont définitivement rien compris.

Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck


(1) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat