LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°399

La complainte de la plainte

Depuis six ans maintenant (1), un enfant vivant en Belgique (2) peut s’adresser au Comité des droits de l’enfant, garant ultime des droits fondamentaux de ceux-ci, pour se plaindre non-seulement de ce que ses droits n’auraient pas été pleinement respectés, mais aussi, peut-être bien plus, que la justice n’a pas été en mesure de le reconnaître.

Or, en ces quelques années, seuls quatre recours, à notre connaissance, ont eu pour partie adverse le beau Royaume de Belgique. S’agissant de l’ultime mesure de la conformité de nos lois et pratiques aux prescrits de cette Convention plus que trentenaire, nous pourrions certainement nous en réjouir.

Malheureusement, la vérité est sans doute toute autre : les enfants ont un mal fou à trouver le chemin du Palais Wilson, siège actuel de cet auguste Comité dont le nom est en soi un paradoxe, puisqu’il fait référence au Président des États-Unis (considéré comme le fondateur de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU)), qui est l’unique pays à n’avoir pas ratifié la Convention des droits de l’enfant.

La complexité de l’accès à cette instance à l’heure du GPS et de Googlemaps en dit long sur l’information dispensée aux enfants sur leurs droits et sur les mécanismes de mise en oeuvre, mais bien plus encore sur le manque d’information ou de jusqu’au-boutisme de ceux qui sont chargés de les assister.

Parce qu’on ne nous fera pas croire que les motifs d’en appeler au Gardien du Traité ne sont pas légion. À moins que d’autres recours soient privilégiés (mais on ne peut pas dire que la CEDH ou d’autres comités regorgent de recours présentés par ou pour des enfants) ou que les limites de ce recours particulier n’en découragent plus d’un ?

Car ses limites sont indéniables : exigence d’épuiser les voies de recours internes (pour un enfant, ça peut vouloir dire plusieurs années), longueur de la procédure (plus de 3 ans) ou encore la valeur des décisions prises qui apparaissent faire partie de la « soft-law ». Le peu de décisions statuant sur le fond (3), et plus encore débouchant sur la reconnaissance d’une violation des droits d’un enfant (4), sont aussi de nature à freiner les ardeurs.

Pourtant, à condition de bien affûter son recours, l’OPIC (5), nous en sommes persuadés, est de nature à réellement favoriser la remise en cause de certaines traditions juridiques ou pratiques bien ancrées.

Les pages qui suivent devraient pouvoir guider le plaideur sur… ce qu’il faut éviter de faire en saisissant le Comité onusien. Et donc peut-être d’augmenter le taux de recevabilité et de fondement des recours, pour in fine, secouer juges et législateurs, en vue de faire bouger les lignes.

À vos claviers !

Benoit Van Keirsbilck


(1) La Belgique ratifiait le 3ème protocole facultatif à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) établissant une procédure de plaintes (OPIC) en mai 2014, vig. 30 août 2014.
(2) Ou dans un des 46 pays qui ont qui ont ratifié l’OPIC.
(3) Près de 300 plaintes ont été déposées ; seules 116 ont été enregistrées parce qu’elles répondaient aux critères formels ; et en mai 2020, il n’y avait que 39 décisions, dont 12 constatations de violation des droits des enfants plaignants.
(4) Comme on peut le lire dans l’article de Jaap Doek, Communications individuelles auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, p. 6 du JDJ N°399.
(5) 3ème protocole facultatif à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) établissant une procédure de plaintes (OPIC)