La décision du Tribunal de première instance de Bruxelles est tombée le 17 février (1) : assigné par l’ONG Défense des enfants international Belgique (DEI), l’État belge est condamné dans l’affaire Mawda.
Deux fautes graves et structurelles sont pointées : la Belgique aurait dû prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre de l’opération de police MEDUSA, destinée à lutter contre la migration irrégulière et le trafic d’êtres humains, et les policiers devraient bénéficier d’une formation tant initiale que continue sur les droits de l’enfant lors d’opérations d’interception d’enfants migrants et en particulier sur les conditions de l’usage de la force et sur la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en présence d’enfants migrants.
Le Tribunal souligne notamment que « rien ne permet de constater qu’à ce jour l’État belge a pris ses dispositions, quelles qu’elles soient, visant à assurer une meilleure formation des services de police en matière d’interception de mineurs migrants, dans le respect des droits fondamentaux de l’enfant » et que « concevoir des opérations de contrôle dans lesquelles l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en compte alors que les services de police ne sont pas véritablement formés en matière d’interception de mineurs migrants dans le respect des droits fondamentaux de l’enfant, ne peut être considéré comme un comportement normalement prudent et diligent de la part de l’État belge. (…) Les éléments soumis au tribunal ne permettent pas non plus de considérer qu’à l’heure actuelle, l’État belge a pris les mesures nécessaires pour prévenir un dommage futur à l’intérêt collectif des enfants migrants au respect de leurs droits fondamentaux.»
S’il y a lieu de se réjouir de cette décision qui constitue une réelle avancée en matière de droits de l’enfant et qui fait explicitement référence aux recommandations du Comité des droits de l’enfant, considérant qu’elles créent des obligations juridiques à l’égard de l’Etat belge, il faut déplorer que les autres dysfonctionnements pointés par DEI n’aient pas été condamnés de la même manière. Le Tribunal fait une interprétation incroyablement restrictive du droit d’action des associations (pourtant acquis de haute lutte !) ; il écarte la possibilité pour une association défendant les droits fondamentaux des enfants de dénoncer, au nom de l’intérêt collectif, les autres manquement graves, en considérant notamment qu’ils ne représentent pas des « dysfonctionnements ou des manquements structurels ».
Des faits accidentels et ponctuels, la mort de Mawda, le traitement inhumain et dégradant subi par ses parents et son frère de quatre ans, l’abandon à leur sort de cinq mineur·e·s étranger·e·s non accompagné·e·s ? Cette banalisation de faits extrêmement graves en les réduisant à des accidents mineurs est proprement sidérante.
L’association pourrait ne pas en rester là et étudie la possibilité de faire appel.
Reste à s’assurer que les deux manquements graves pointés soient réellement pris en compte à l’avenir et pas à travers des mesurettes cosmétiques, mais des changements réels et effectifs.
Benoit Van Keirsbilck
(1) Pour rappel, petite Mawda, alors âgée de 2 ans, était décédée dans la nuit du 16 au 17 mai 2018 suite au tir d’un policier lors d’une opération de police incluant la poursuite d’une camionnette transportant une vingtaine de migrant·e·s. Si l’auteur du tir et les responsables du trafic, le conducteur et le convoyeur avaient été condamnés par la justice, de nombreux autres manquements graves restaient totalement impunis et l’État semblait vouloir masquer ses propres responsabilités derrière celles de l’auteur du tir ou des autres protagonistes… Lire la décision ICI