La Ligue française des droits de l’homme a fait récemment l’objet de menaces directes provenant des plus hautes autorités de l’État, le Ministre de l’Intérieur et la Première Ministre, sans que le Président de la République ou d’autres ministres ne se dissocient clairement de leurs propos.
En cette année du 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ces déclarations sont extrêmement graves et totalement déplacées.
Couper les vivres [aux associations qui défendent les droits humains] représente un des éléments constitutifs de la politique des régimes illibéraux et autoritaires, rappelle Patrick Baudouin, Président de la Ligue française des droits de l’Homme (1).
Si en France, ces menaces portent essentiellement sur les subventions que cette organisation reçoit de l’État, dans d’autres pays, elles visent les défenseurs des droits humains eux-mêmes, menacés d’arrestation et de détention, ou l’existence même des organisations qui sont tout simplement déclarées illégales.
Faut-il rappeler que les derniers lauréats du Prix Nobel de la Paix sont le militant bélarusse Ales Beliatski, emprisonné dans son pays pour son action infatigable à la tête de Viasna, la principale organisation de défense des droits humains en Biélorussie, l’ONG russe Memorial, déclarée illégale en Russie et qui doit opérer à partir de l’étranger, et le Centre ukrainien pour les libertés civiles, qui éprouve les pires difficultés pour documenter les violations des droits fondamentaux dans ce contexte de guerre (2).
Vu le contexte international, l’action de toutes ces instances est plus nécessaire que jamais, en ce compris la défense et la protection des défenseurs des droits humains, fussent-ils des enfants. Les Nations unies l’ont bien compris qui ont créé, déjà en 2000, un mandat de Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains (3) et les ONG internationales qui ont créé en 1997 l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (4).
Tout récemment, l’ENOC (Réseau européen des Ombuds(wo)man pour enfants) a publié une déclaration «Recognising and strengthening the protection of Child Human Rights Defenders» (5) pour exprimer leur inquiétude face à de nombreuses menaces ou attaques à leur encontre. Et on pourrait encore multiplier les exemples en Iran où des enfants de 12 ans sont torturés pour avoir pris part à des manifestations, en Palestine où s’opposer à l’occupation mène à une détention administrative à durée indéterminée dans une prison militaire, pour ne prendre que ces exemples supplémentaires.
La défense des droits fondamentaux passe par différents acteurs qui vont de la société civile, aux institutions indépendantes, en passant par les tribunaux et chaque citoyen (6).
Plus que jamais, défendons les droits humains et ceux qui les défendent en prenant parfois des risques considérables.
Benoit Van Keirsbilck
(1) Sur son blog sur Mediapart. Notons que la LDH a lancé une pétition pour les soutenir :
www.humanite.fr/petition-humanite-ldh
(2) Elle s’est exprimée devant la commission des migrations de l’Assemblée Parlementaire du
Conseil de l’Europe le 26 janvier 2023.
(3) www.ohchr.org/fr/special-procedures/sr-human-rights-defenders/mandate
(4) Un partenariat entre la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale
contre la torture (OMCT). Voir https://observatoryfordefenders.org/
(5) Reconnaître et renforcer la protection des enfants défenseurs des droits de l’homme
https://enoc.eu/wp-content/uploads/ENOC-ad-hoc-statement-on-Children-Human-Rights-Defenders-FV.pdf
(6) Voyez le paysage complet de toutes ces instances et institutions dans La Chronique de la Ligue des droits humains n° 196
de septembre 2021 : www.liguedh.be/category/publications/la-chronique