LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Alexandra Roelandt dans le JDJ N°424

Visibilité et prévention des féminicides : un pas dans la bonne direction

Laetitia. Sylvia. Hélène. Marie-Alice. Ana. Cinq femmes dont le nom a été révélé à l’occasion du tournage d’un reportage en France (1), issues de milieux sociaux différents, considérées par leur conjoint comme des objets à posséder et qui ont fini par perdre la vie parce qu’elles allaient leur échapper.

Chez nous, l’inscription dans le nouveau code pénal en chantier du féminicide, considéré comme «la forme la plus extrême du problème socialement et profondément enraciné de la violence basée sur le genre» (2) fait l’objet de nombreuses discussions (3).

La voie de l’inscription dans une loi distincte semble se détacher. Pour autant, une consécration en dehors du code pénal ne doit pas énerver la lutte pour une meilleure visibilité, prévention et prise en charge des féminicides.

Le Parlement fédéral a tout récemment entendu l’appel, puisque la Commission santé vient d’approuver un projet de loi «portant sur la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides fondés sur le genre et les violences qui les précèdent (4)», un cadre légal visant à renforcer «la capacité de détecter les risques, apporter un meilleur suivi et une meilleure réponse aux féminicides et homicides de genre ainsi qu’une meilleure protection aux victimes de violence» (5).

De protection, il en est également question pour les enfants exposés aux violences puisque le texte leur consacre spécifiquement la qualité de victime (6).

Le projet de loi est ambitieux mais indispensable. Il comprend l’instauration d’un comité scientifique chargé d’analyser les homicides fondés sur le genre à partir de cas individuels, afin de pointer les manquements et formuler des recommandations, l’instauration d’un outil obligatoire d’évaluation des risques, en passant par de nouveaux droits consacrés aux victimes (comme le droit d’être interrogées par un·e policier·e spécialement formé·e aux violences de genre, celui d’être reçues dans un local adapté et de recevoir des informations claires sur les mesures de protection possibles).

La Belgique a en tout cas fait un premier pas dans la bonne direction, pour un meilleur respect de ses engagements nationaux et internationaux.

Espérons donc un vote favorable en séance plénière dans les meilleurs délais et une mise en place rapide de ces engagements !

Alexandra Roelandt


(1) «Féminicides», de Lorraine de Foucher.
(2) Doc. Parl., Chambre, 2022-2023, n°55-3400/001, p.7.
Comme l’a souligné l’Institution pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH), «la technique pour mettre en oeuvre la politique (incrimination spéciale ou circonstance aggravante) ne doit pas être confondue avec l’ambition politique de s’attaquer réellement au problème» (Doc. Parl., Chambre, 2020-21, n°55-1844/001, 24).
(3) Notamment «Inscrire ou non le féminicide dans le Code pénal ? Arguments pour», Questions-justice.be, 1er avril 2022 ; «Inscrire ou non le féminicide dans le Code pénal ? Arguments contre», Questions-justice.be, 6 avril 2022.
(4) Doc. Parl., Chambre, 2020-21, n°55-1844/001.
(5) Marie-Colline Leroy, secrétaire d’État à l’Égalité des genres, «Le projet de loi féminicide a été adopté en commission de la Chambre», Les Grenades, RTBF, 7 juin 2023.
(6) Article 8.