"Ici et ailleurs" du JDJ N°334

Le prêtre des loubards…

Invité par l’Union fédérative nationale des associations de famille d’accueil et assistants maternels (UNAFAAM-en France), Guy Gilbert, surnommé le prêtre des loubards, s’est livré à son exercice favori de présenter le retour à la campagne pour prendre soin des ados en grande difficulté. Convaincu de réinsérer des jeunes par le travail et le lien avec les animaux, il raconte - ou plutôt il se raconte - , montage Powerpoint à l’appui, l’aventure de la «Bergerie de Faucon» à Palud-sur-Verdon dans les Alpes Haute Provence. Les images sont un peu ringardes : les 4L stationnent à côté des Simca 1500… les méthodes éducatives sont d’un autre âge… et le lieu existe toujours.

Il explique sans sourciller qu’un jeune récalcitrant était contraint de brouetter plusieurs tonnes de fumier plutôt que d’utiliser le tracteur. À 78 ans, il a sans doute oublié que cela fait longtemps que l’on ne peut plus contraindre des enfants aux travaux forcés… et que cela s’appelle de la maltraitance.

… un Hell’s Angel

Son Perfecto décoré de pins comme un maréchal soviétique, ses bagouzes aux doigts ne font pas longtemps illusion sur son sens de la miséricorde chrétienne.

Il explique tout de go que pour rendre un jeune à la raison, il n’hésitait pas à le plaquer au sol jusqu’à ce qu’il demande pardon. Voilà l’ecclésiastique adopter les méthodes de Hell’s Angel, voire de se prendre pour leTorquemada des méthodes éducatives. Ce n’est plus de la maltraitance, c’est de la violence institutionnelle.

Si l’on peut imaginer qu’à son âge, il ne pratique plus le close combat, sans doute en a-t-il transmis la méthode aux éducateurs de la Bergerie.

Ce qui est inquiétant, c’est que cet individu pérore dans les cercles du pouvoir, qu’il siège au collège du Défenseur des enfants et prône encore la baffothérapie comme méthode éducative.

Il faut inspecter la «Bergerie du Faucon» et fermer cette boîte si elle pratique encore les méthodes vantées par son fondateur.

Une nouvelle catégorie d’AMO : …

L’arrêté fixant les conditions particulières d’agrément des services d’aide en milieu ouvert (AGCF du 15/03/99) a été complété par un arrêté du 30/01/2014 qui crée une nouvelle catégorie d’AMO (à côté des « généralistes », des 24H/24 et des services juridiques) : celles qui développent « à titre complémentaire des projets d’ «Année citoyenne» », ce qui « consiste à organiser des projets citoyens, avec des groupes de jeunes de 16 à 20 ans relevant ou non de l’aide à la jeunesse dans le but de les aider à développer leur autonomie et leurs habiletés sociales dans une visée émancipatrice et d’a# liation sociale ».

Chaque session comporte trois axes: un engagement citoyen utile à la collectivité, un temps de formation avec des activités de rencontre et de sensibilisation et un temps de maturation personnelle visant l’identification et la construction d’un projet personnel.

… les projets «année citoyenne»

Ce type de projets est sans doute intéressant et plusieurs services étaient demandeurs de se voir confier cette mission supplémentaire (et de bénéficier de subventions supplémentaires, cela va sans dire). Restera à voir que ça ne devienne pas « une mode » (quand il y a des sous à la clé…), que ça reste un projet réfléchi et qu’une évaluation (extérieure et indépendante ?) démontre l’intérêt véritable pour les bénéficiaires.

Enfants sans papiers…

La Plate-forme mineurs en exil, avec d’autres, demande à la Belgique de prendre soin de tous ses enfants, indépendamment de leur statut ou de celui de leurs parents. Tiens ! Ça sonne comme du déjà-entendu. Une fois de plus, un nombre particulièrement élevé de familles en situation de séjour irrégulier ont été accueillies par le dispositif d’accueil hivernal (au point qu’on reproche à ces familles de prendre la place des sans-abris bruxellois !). Or, l’impact de la précarité sur les enfants est considérable.

Mais cette politique de réponse à l’urgence et uniquement à celle-ci permet que perdure les mécanismes d’exclusion.

… d’abord le retour !

Mais la priorité des politiques migratoires reste le retour volontaire ou forcé. Impossible dans ces conditions d’accorder de l’attention à l’accompagnement des familles. Les organisations demandent une évaluation approfondie de l’impact de la politique d’accueil sur ces enfants et de leurs familles dans tous les domaines de la vie d’un enfant et de ses parents. Pas sûr que ça soit entendu, d’autant que ça objectiverait la maltraitance institutionnelle qui leur est infligée!

Pique-assiette …

Jacques Liesenborghs a, comme à son accoutumée, été piqué au vif (http://blogs.politique.eu.org/Quel-plan-Marshall-de-leducation#comment), suite aux propositions du Ministre Marcourt qui veut refinancer l’enseignement supérieur (tiens au fait, il était Ministre de quoi, le brave Jean-Claude ?). En voilà une idée qu’elle est bonne. Que n’y a-t-on pas pensé plus tôt ! Parce qu’avec une augmentation importante du nombre d’élèves dans l’enseignement supérieur et une enveloppe fermée, le calcul est vite fait (nul besoin d’avoir fait ces études sup !), il y a moins de sous par élève. Mais quand il n’y a plus rien dans le plat, il faut se servir dans l’assiette du voisin : le budget de l’enseignement secondaire qui est notoirement gaspillé du fait du nombre de redoublements.

Plan de bataille

Pour mettre tout le monde d’accord, nous proposons un plan de bataille en trois étapes, facile et rapide à réaliser : 1. Lutter contre les redoublements en rendant l’école plus attractive (délai : un an ; économie : 500 millions) ; 2. Il y aura ipso-facto une diminution du décrochage scolaire et on pourra supprimer tous les dispositifs d’accrochage, de sous-enseignement, d’occupation des décrocheurs, de contrôle de l’obligation scolaire, d’écoles pour écolophobes,… (délai : 2 ans ; économies : encore un bon 500 millions) ; 3. Il y aura ipso-facto moins de délinquance, moins de problèmes familiaux,… et on pourra diminuer les institutions d’hébergement, les IPPJ, les SAMIO et les SPEP (qui se tournent déjà les pouces). Alors, Monsieur Marcourt aura bien quelques centaines de millions pour améliorer l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et … la qualité de la formation des Ministres.

Internet et les droits de l’Homme

Le Conseil de l’Europe lance un Guide des droits de l’homme pour les utilisateurs d’internet pour les aider à exercer leurs droits humains en ligne.

Il est focalisé sur les droits de l’homme sur lesquels internet a le plus d’impact : l’accès et la non-discrimination, la liberté d’expression et d’information, la liberté de réunion, d’association et de participation, la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, l’éducation et les connaissances générales, la protection des enfants et des jeunes, et le droit à des recours effectifs en cas de violations des droits de l’homme en ligne. Ce Guide se fonde sur les droits et libertés consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour. Plus d’infos : voyez sur le site du Conseil de l’Europe : http://www.coe.int.

Le Conseil de l’Europe, décidément bien actif, vient également de sortir une autre publication la protection de l’enfance : « Défendre les droits de l’enfant, guide à l’usage des professionnels de la prise en charge alternative des enfants ». Ce guide s’inscrit dans la stratégie « Construire une Europe pour et avec les enfants » et propose des pistes de réflexion et des outils concrets destinée aux professionnels de pour développer une approche par les droits de l’enfant. Après une présentation de la convention internationale des droits de l’enfant et des différents instruments internationaux, ce guide illustre, à chaque étape de l’accompagnement, ce qu’implique et apporte cette démarche. http://www.coe.int/t/dg3/children/ChildrenInCare/SecuringChildrensRights_FR.pdf


Les bésicles de Jiji

Mauvaise graisse

Aux termes des lois coordonnées sur l’emploi des langues en matière administrative (art. 39, § 1er), un service public dont l’activité s’étend à tout le pays utilise, à l’égard de son personnel, le français et le néerlandais. Avec le superbe mépris des ignares, La Poste, aujourd’hui «BPOST» (ce qui n’arrange rien) gère depuis des années ses «ressources humaines» dans un invraisemblable pidgin English dont le Conseil d’État vient sans sourciller de juger un échantillon. L’arrêt n° 226.432 du 14 février 2014 rejette un recours contre le refus d’accorder à un agent une nouvelle «période d’initiation» en vue de la nomination à la fonction de «Senior Lean Coach». Aurait-il mieux fait de postuler comme «Junior Fat Coach» ? On croit deviner que les cacographes de service ont voulu dire «Learn» (ce qui ne ravirait toujours pas les anglophones) et parler de «moniteur principal de formation».

Inqualifiable

Un communiqué de Belga (Le Soir, 10 mars) annonce que désormais, la Molécule nationale pourra servir à des fins de propagande politique, mais attention : «L’image de l’Atomium ne peut être dénaturée et doit être qualitative». Pourquoi, sinon certains partis auraient versé dans le quantitatif : « Votez pour X, il (elle ?) pèse plus lourd que le fer » ? Pas du tout : le belgiciste masqué a encore frappé. En français, «qualitatif» signifie seulement «qui a rapport à la qualité», de sorte que «kwalitatief» doit donner «de (bonne) qualité».

Le Prix 2014 des Bésicles opaques

Cette fois, il ne sera pas possible de faire pire que le traduisement d’un arrêté ministériel flamand du 24 février 2014 (Moniteur, 12 mars) : «La concertation client de l’aide intégrale à la jeunesse est admissible au subventionnement lorsque cette concertation se déroule (…), sous la direction d’un président externe et en présence du mineur d’âge, de ses parents et, le cas échéant, des responsables de son éducation, des personnes concernées de son entourage et des offreurs concernés d’aide à la jeunesse et qu’elle a pour but, dans des situations complexes, de coordonner l’aide à la jeunesse à un mineur d’âge et de veiller à sa continuité».

Ça tombe dru

  • D’après un titre du Soir (1er-2 mars), Kris Peeters (CD&V) aurait déclaré : «Chez nous, il n’y aura pas de bain social». Les minimexés paieront leur savon comme les autres.
  • Au débat de Mise au point (RTBF, midi, 2 mars), l’approche des élections ranime l’éloquence de Champignac : «Certains petits partis sont dans les tranchées et attendent le Grand Soir pendant que d’autres ont les mains dans le cambouis». Audacieuse synthèse de Charlot soldat, de Limelight et des Temps modernes.
  • Le Moniteur du 5 mars (mercredi des Cendres !) publie un arrêté royal du 26 septembre 2013 relatif à la «nomination de candidats officiers de carrière du recrutement normal». On respire à apprendre qu’il y en a encore.
  • À propos des bisous entre élèves à l’école, un préfet d’athénée (Le Soir, 13 mars) : «La problématique n’est pas un problème». Il faut donc mettre ce questionnement en question.
  • Au Moniteur du 17 mars, un «appel aux candidats à un changement d’affectation dans (…) les Centres de dépaysement et de plein air de la communauté française». Il y a des gens qu’on ne contentera jamais.
  • Et dans celui du 21 mars, un arrêté du gouvernement wallon, daté du 27 février 2014, «relatif au référent social et aux conditions d’accompagnement du ménage accompagné». Sur la mélodie d’ I’ll stand by you.
  • Un titre du Soir des 22-23 mars : «Les détenus ont droit à des rapports dans leur langue en prison». Si la première interprétation qui vous vient est la même qu’à moi, la détention a l’air de s’humaniser sérieusement. Mais il s’agit des rapports disciplinaires sur un condamné francophone incarcéré à Gand.