LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°292

La prison et rien d'autre

Il y a quelques semaines, Charles Picqué, Ministre Président de la Ré- gion bruxelloise, proposait d’abaisser la majorité pénale à 16 ans essentiellement parce que «Trop de jeunes sont remis en liberté sans mesures d’enfermement».

Sans doute ne devrait-on pas lui accorder la moindre publicité qu’il ne mérite pas. Mais il convient de dénoncer la malhonnêteté intellectuelle d’un tel discours.

On pourrait s’interroger sur les motivations de ceux qui font de telles déclarations aux relents démagogiques puisque cette logique impose que l’on traite les 16-18 ans comme des adultes, ce qui est contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant qu’il conviendrait donc d’abroger. Détail qui ferait de la Belgique le premier pays au monde à dénoncer ce traité.

Mais deux autres éléments au moins doivent nous questionner : d’une part, le présupposé selon lequel la justice des adultes serait plus performante pour lutter contre la criminalité, y compris des mineurs et d’autre part, le sempiternel discours sur l’impunité des faits commis par les mineurs.

Que l’on puisse affirmer aujourd’hui que la justice des adultes est plus performante que la justice des mineurs au point qu’il faille appliquer ses recettes aux plus jeunes relève de la supercherie. Les prisons n’ont jamais été aussi pleines et leur existence n’empêche que les honnêtes gens à ne pas commettre (trop) de crimes.

Mais continuer à prétendre que les faits commis par les mineurs sont impunis, réduit au seul enfermement la réponse que la justice des mineurs tente d’apporter. Toute autre mesure reviendrait à ne rien faire et donc, à conforter le «jeune délinquant» à braver l’autorité et les lois. Ce discours est des plus pernicieux ; il sape les fondements de la justice pour mineurs et distille un dangereux venin en entretenant l’idée, archi-fausse, que rien d’autre ne marche. Il discrédite et nie même le travail réalisé par les nombreux intervenants qui tentent jour après jour d’apporter une réponse intelligente et à visée éducative à la transgression chez les jeunes. Il oublie qu’un bon nombre de jeunes placés en IPPJ ou à Everberg n’y ont pas leur place (1). Il occulte les sanctions réparatrices et la gamme des autres sanctions à disposition des juges de la jeunesse, dont les effets positifs ont pourtant été maintes fois démontrés. Et surtout, il fait totalement abstraction de la responsabilité collective, y compris politique, en réduisant la transgression à un acte individuel délibéré commis par une personne, unique responsable de son comportement.

Monsieur Piqué, s’il vous plaît, cherchez à élever le débat au lieu de vous complaire dans des discours qui ne sont pas dignes de vous.


(1) Voyez notamment Céline Van Damme «Manque de places en IPPJ : une analyse juridique», dans le JDJ N° 292, p. 18.