LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°340

Combien d'enfants derrière les barreaux ?

En mars dernier, l’ONG Défense des enfants-International, accompagnée d’une cinquantaine d’autres ONG internationales, ainsi que du Comité des droits de l’enfant et de diverses instances des Nations unies, lançaient un appel à l’Assemblée générale des Nations unies, pour la réalisation d’une étude mondiale sur les enfants privés de liberté (1). Objectifs: réunir des données chiffrées sur le nombre d’enfants privés de liberté dans le monde (on utilise encore le chiffre de 1,1 million cité par l’UNICEF il y a plus de dix ans) et les conditions de cette privation de liberté, partager les bonnes pratiques et formuler des recommandations pour réduire drastiquement le nombre des enfants détenus et prévenir les violations des droits fondamentaux à leur égard.

Cet appel a été entendu par l’Assemblée générale qui, huit mois plus tard, vient d’en adopter le principe dans sa résolution annuelle sur les droits de l’enfant (2). Le Secrétaire général est prié de réaliser cette étude et de la soumettre à l’AG en décembre 2017.

Si on peut se réjouir de ce résultat et de la rapidité de cette approbation, nombre de questions restent bien entendu en suspens. Qui va réaliser l’étude ? Quelle méthodologie va être appliquée ? Comment les États vont-ils collaborer à sa réalisation et avec quels moyens financiers ? Il faudra aussi s’entendre sur des définitions (principalement ce qu’on entend par privation de liberté) et s’assurer que tous les contextes sont bien couverts : la justice des mineurs, la santé et en particulier la santé mentale, les institutions d’éducation, les commissariats de police et bien sûr, la migration.

Les ONG porteuses de l’appel souhaitent que soit désigné un expert indépendant pour garantir à la fois la qualité de l’étude et l’indépendance par rapport aux États et autres instances qui ont peu ou prou un intérêt à présenter une certaine image en la matière.

Il faut absolument éviter que cette étude débouche sur un sempiternel rappel des principes connus de tous (mais si peu appliqués): la détention d’un enfant doit être une mesure de dernier ressort, décidée pour la durée la plus courte possible et avoir une visée éducative. En disant ça, on n’a rien dit.

Cette étude devrait avoir pour conséquence que la question de la privation de liberté devienne une priorité pour les instances internationales et surtout pour les États qui devront fournir des données (inexistantes dans la plupart des cas) et donc mettre en place des systèmes pour les collecter. Elle devrait aussi les amener à se questionner sur le traitement réservé à ces enfants, la durée de la détention, les mesures qui peuvent être appliquées pour éviter d’y recourir,…

Quand on connaît l’incapacité d’un petit pays comme la Belgique de fournir ce type de données (au minimum désagrégées : répartition par âge, sexe, type de privation de liberté, durée, motifs, condition de détention,…), on mesure le travail titanesque qui attend la personne chargée de ce travail. Il n’en est pas moins indispensable.

La privation de liberté est la plupart du temps une grave violation des droits fondamentaux des enfants, aux conséquences lourdes pour eux comme pour leur entourage. Elle s’accompagne souvent de traitements inhumains ou dégradants. La responsabilité de la Communauté internationale et des États est patente.


(1) Cet appel a été publié dans le JDJ n° 333, de mars 2014, p. 3. Pour plus de détails www.childrendeprivedofliberty.info
(2) Référence de la résolution