LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°416

C’est malbar

Dans une lettre ouverte aux Parlementaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles (1) au sujet du processus de nomination du prochain Délégué général aux droits de l’enfant, la CODE (Coordination des ONG pour les droits de l’enfant) demandait notamment de mettre sur pied un jury indépendant (2) pour donner un avis sur les candidats en rappelant que «l’indépendance par rapport au monde politique est un des éléments fondamentaux pour garantir à cette personne les conditions minimales d’exercice de sa fonction».

En filigrane, la CODE exprimait une inquiétude quant aux critères et à la procédure de nomination (3).

Or, tout indique que la procédure est politisée jusqu’au trognon.
Les experts indépendants ont été proposés chacun par un parti, avec pour conséquence un doute sur leur indépendance par rapport à leurs commanditaires.

Plusieurs candidats bénéficient d’un soutien politique explicite et on entend que des accords auraient été passés entre certains partis, au plus haut niveau, bien avant le début de la procédure, pour le choix du ou de la candidat·e.

Même si l’on ne peut exclure que ces candidat·e.s aient certaines des compétences requises pour occuper ce poste (c’est bien le moins !), le doute sera permanent sur les critères qui ont prévalu. La suspicion que la nomination soit principalement basée sur des critères purement politiques permettra de jeter un discrédit permanent sur toute prise de position du ou de la futur·e Délégué·e général·e.

Il.elle critique ce projet parce qu’il émane d’un autre parti ou ne le critique pas parce qu’il émane de son bord.

En d’autres termes, les partis qui jouent à ce petit jeu vont empêcher cette personne d’exercer pleinement sa fonction et de jouer son rôle d’aiguillon et de contre-pouvoir (et tel est peut-être le but recherché, outre de récompenser quelqu’un qui sera redevable au parti, on lui lime les dents et les ongles). On ne devrait pas s’en étonner tant la politisation est inscrite dans les gènes des politiques belges, mais on aimerait tant être débarrassés de cette gangrène.

On ne peut s’empêcher de déplorer les sales coups portés à une institution dont l’utilité et la raison d’être ne sont plus à démontrer, qui a un rôle crucial dans une démocratie et dont la mission découle des engagements internationaux de l’État.

Mesdames et messieurs les politiques, vous vous grandiriez si vous mettiez en place une procédure permettant d’exclure toute emprise du politique sur une fonction qui a notamment pour mission de vous contrôler dans la manière dont vous respectez vos obligations à l’égard des enfants.

Bien qu’on doute que cet appel à un sursaut éthique soit entendu et suivi d’effets, il nous revient de le lancer. Avec l’espoir ténu que la réforme de l’institution maintes fois annoncée, mais à moitié enterrée, comprenne aussi une réforme de la procédure de nomination. L’espoir fait vivre !

Benoit Van Keirsbilck


(1) Voir JDJ n° 414, avril 2022, p. 4.
(2) Notons que la CODE demandait aussi d’impliquer les enfants dans le processus de sélection.
(3) Inquiétude que le JDJ avait également exprimée ; voir JDJ n° 413 - mars 2022, p. 38.