LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°425

Quand l’exemple exécrable vient d’en haut

La mort de Nahel en France, de même que celle de Mawda il y a quelques années, ne peuvent être réduites à des faits divers, à un malencontreux concours de circonstances qui a ôté la vie d’un enfant ou d’un jeune.

Dans les deux cas, si le policier a tiré, c’est qu’il s’est senti autorisé à le faire soit par des instructions formelles (comme en France où les consignes d’utilisation des armes à feu ont été fortement assouplies ces dernières années), soit par un système qui permet que dans de telles situations, il est acceptable de recourir à des moyens létaux.

Notons que l’affaire française aurait certainement pris une autre tournure s’il n’y avait eu des vidéos partagées sur les réseaux sociaux faute de quoi, il y a fort à parier que la voix des représentants de l’autorité n’aurait pas été remise en cause. Tel fut également le cas dans la situation de ces trois jeunes se déplaçant sur un scooter, renversés par une voiture de police en France ; là aussi, ce sont les témoignages (y compris, in fine, sous pression de la presse, d’une policière) qui ont fait la différence et complètement changé le narratif des faits.

Plus près de chez nous, deux incidents récents mettant en cause la police ont une nouvelle fois été médiatisés : d’une part, les «arrestations préventives» de quelques jeunes assis tranquillement sur un banc place de la monnaie, lors desquelles il a été fait usage de menottes sans que les conditions légales ne semblent réunies, et d’autre part, ce qu’il est convenu d’appeler le «kayakgate», cette affaire où des policiers molenbeekois s’adonnant à la descente de la Lesse en kayak, donc en civil et hors de l’exercice de leurs fonctions et manifestement sous l’emprise d’alcool, ont agressé des jeunes participant à une excursion scolaire.

Dans toutes ces situations, force est de constater qu’il n’y a pas dans notre système, de recours effectif et accessible, pour contester la violation des droits de ces enfants et jeunes par les forces de l’ordre.

Ces abus de pouvoir généralement impunis, cette violence apparemment endémique, ces chasses aux jeunes souvent mâtinées de racisme, sont extrêmement préjudiciables pour notre société et notre vivre ensemble. Tant que ça n’aura pas été compris, la crédibilité de l’autorité publique à l’égard d’une frange non négligeable de la population, sera gravement compromise au point qu’elle ne sera pas en mesure de remplir sa mission avec l’impartialité et l’autorité requises.

Benoit Van Keirsbilck