L’appel, lancé par le Président des Restos du Coeur en France, démontre, si besoin en était, que la situation économique se dégrade fortement, du moins pour une catégorie grandissante de la population flirtant de plus en plus dangereusement avec la précarité.
Pourtant la France, comme la Belgique, dispose d’un système de protection sociale très avancé qui devrait, en théorie, mettre la grande majorité de la population à l’abri du besoin ; il n’en est rien.
De plus de plus de personnes passent à travers les mailles d’un filet de sécurité chaque jour plus poreux (près de 2,5 millions de personnes ont été aidées par les Restos du Coeur en 2022 en France).
Il n’est déjà pas normal que l’État se décharge à long terme de ses missions fondamentales, sur une entreprise caritative (créée au milieu des années 1980), mais encore moins normal que la seule réponse des Gouvernements, est de mettre la main au portefeuille et d’en appeler au charity-business, pour sauver de la faillite une entreprise qui, certes, promeut la solidarité, mais n’a pas vocation à apporter une réponse systémique visant l’éradication de la pauvreté en lieu et place de ces mêmes pouvoirs publics.
Le summum de la farce est presque atteint quand ce même gouvernement applaudit le versement, transformé en gros coup de comm bien orchestré, d’une aumône par les plus grosses fortunes du pays (entrepreneurs ou sportifs), là où il eut suffi d’exiger des mêmes le paiement d’un impôt minimum. Et rappelons que le contribuable lambda paie proportionnellement plus que ces bienfaiteurs, sans s’en targuer, sans communiqué de presse ou mise en scène grotesques…
Tous ces dons permettront sans-doute de sauver les Restos du Coeur… jusqu’à la prochaine crise existentielle. Mais la disparité abyssale dans la répartition des richesses et les conceptions opposées de la protection sociale subsisteront. On ne peut compter sur Bernard Arnault et consorts, pour qui la pauvreté est un concept totalement étranger à leur entendement, pour concevoir autre chose que de la charité pas très bien ordonnée.
Pour combien de temps encore va-t-on accepter des politiques sociales qui reposent sur des Restos du Coeur ou la soupe populaire ? À partir de quel nombre de bénéficiaires va-t-on considérer que cette réponse n’est plus acceptable et donc renforcer les réponses structurelles de l’État ?
Benoit Van Keirsbilck