C’est le travail de fourmi de l’Abbé Rik Devillé, qui a récolté pendant trente ans des lettres de victimes de violences sexuelles au sein de l’Église catholique, qui aura permis la réalisation, par Ibbe Daniëls et Ingrid Schildermans, du documentaire « Godvergeten » diffusé durant le mois de septembre par la VRT.
Sur quatre épisodes, ce documentaire donne la parole aux victimes, toujours traumatisées, pour certaines, plusieurs dizaines d’années après les faits. La trame est chaque fois la même : la victime, généralement en situation de grande faiblesse, se voit imposer le silence. Mais même si elle parvient à parler, personne ne la croit et l’institution étouffe l’affaire, parfois en déplaçant l’auteur des faits quand le scandale prend des proportions trop importantes.
Ceci, tout en faisant obstruction aux poursuites et en dissimulant les crimes commis. Au niveau mondial, les victimes se comptent par centaines de milliers.
C’est la même attitude qui a prévalu partout, et jusqu’aux plus hautes sphères de l’Église catholique qui prétendait il y a quelques années encore vouloir régler ce problème en interne en se refusant à collaborer avec la justice au niveau national, tout en affirmant ne pas être responsable d’actes commis dans les diocèses (position du Vatican lors de son passage au Comité des droits de l’enfant en 2014).
Si depuis lors, le Vatican a peu à peu évolué dans son discours et dans ses actes, en prônant plus de transparence, appelant à la collaboration avec la justice civile ou en mettant en place une commission d’experts en son sein, ces réactions sont tardives et minimalistes. Elles ne prennent pas l’ampleur du problème en compte et surtout ne proposent pas d’indemnisation pour les victimes.
En Belgique, la Commission d’enquête parlementaire de 2010 n’aura manifestement pas suffi pour libérer la parole des victimes. Les réactions scandalisées ou de honte des autorités ecclésiastiques, restent bien en-deçà de ce qu’on est en droit d’attendre : une collaboration totale avec la justice, la fin de l’impunité, le soutien financier aux victimes, la reconnaissance de leur qualité de victimes, pour leur permettre de se reconstruire, si tant est que ça soit possible.
Le monde politique, sans doute pour s’excuser de n’avoir pas assuré un suivi effectif de la première commission d’enquête - nombre des recommandations de l’époque étant restées sans suite - s’est senti obligé de réagir.
D’où la création à la va-vite d’une nouvelle Commission d’enquête parlementaire, qui ne dispose que de six mois pour conduire ses travaux, destinée à évaluer le suivi de la précédente, la prise en charge des victimes et le traitement de plaintes ainsi que le travail de la justice. Il conviendrait aussi de questionner les privilèges dont bénéficie encore cette institution défaillante dans notre société.
Il est impératif que l’aide et l’écoute des victimes soient proposées en dehors de l’institution coupable d’avoir couvert ces crimes. Les Centres de prévention de la violence sexuelle, qui se sont développés ces dernières années sont sans doute le lieu le plus adéquat pour apporter une réponse professionnelle.
Alexandra Roelandt et Benoit Van Keirsbilck