"Ici et ailleurs" du JDJ N°353

Une Tabitha française

La France vient de connaître son cas « Tabitha » (du moins, un cas médiatisé, parce qu’il semble que c’est une pratique relativement courante, en 2014, on en dénombrait 259 !), du nom de cette jeune fille congolaise, enfermée pendant 2 mois en Belgique avant d’être renvoyée seule au Congo. Ce fait aura valu à notre pays une des condamnations les plus cinglantes de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a considéré, sans la moindre circonstance atténuante, que la Belgique avait infligé à cette gamine et à sa mère, rien de moins qu’un traitement inhumain et dégradant.

… ou comment abuser …

En France, c’est un enfant comorien de 8 ans que les autorités françaises ont mis au trou pendant 12 jours parce qu’il est entré avec de faux papiers dans la Patrie des droits de l’Homme.

D’après l’avocate générale en charge, le maintien de l’enfant en zone d’attente était le seul moyen de mettre fin aux filières d’immigration irrégulière. Par ailleurs, le Tribunal avait, plus prosaïquement, estimé que ce maintien en zone d’attente était nécessaire pour organiser le retour du petit garçon auprès de sa mère biologique dans de bonnes conditions.

Hypocrisie, quand tu nous tiens ! Il est davantage vraisemblable que ce confinement à l’aéroport ait pour seul objectif d’ éviter à l’Etat français de supporter les frais de rapatriement du jeune voyageur !

… des enfants pour lutter …

Le juge de la liberté et de la détention de Bobigny, « après avoir entendu l’intéressé » (en présence d’un tuteur ad hoc, quand même, mais amené entre deux gendarmes), dans sa grande mansuétude, l’a libéré (en le confiant au Parquet pour que des mesures de protection soient prises) en invoquant l’article 3 (intérêt supérieur de l’enfant) et 20 (enfant privé de son milieu familial) de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Elle motive sa décision par le fait qu’il existe bien une famille accueillante en Belgique (pourtant connue dès le premier jour) et que la mère a manifesté sa volonté de confier l’enfant à sa tante en France parce qu’elle n’est plus en mesure de s’en occuper.

… contre les abuseurs

Et la Cour d’appel de prononcer une phrase digne d’anthologie : « que dans ces conditions on ne peut que constater que le retour du mineur auprès de sa mère ne serait (sic) s’effectuer, dans de bonnes conditions mais que dans le même temps il convient de prendre toute précaution pour s’assurer de la qualité de l’accueil du mineur en France, qui ne peut être très traumatisé par les événements qu’il vient de vivre ». Soit l’enfant ne peut être très traumatisé, et on se demande pourquoi plusieurs associations ont fait un foin d’enfer, que le Défenseur des droits a été saisi et que le Ministre de l’Intérieur a dû se jeter dans la mêlée ; soit la Cour a fait une faute de frappe (manifestement pas la seule) et voulait dire « que l’enfant ne peut qu’être très traumatisé ». On le serait à moins, déraciné, éloigné de sa famille, maintenu dans une zone de transit totalement inadaptée pour les enfants.

Dublin, obstacle au regroupement familial

Une juridiction britannique (la Haute Cour de Justice, Chambre de l’asile et de l’immigration) ordonne l’admission au Royaume- Uni de mineurs isolés vivant dans la « jungle » de Calais.

La décision concerne quatre jeunes syriens isolés (dont trois mineurs) afin qu’ils rejoignent leurs familles pendant que leurs demandes d’asile sont examinées. Dans cette affaire, les juges ont considéré que la stricte application des mécanismes de Dublin III - et notamment les délais engagés par ces procédures alors que les enfants vivaient dans des conditions terribles dans le camp de Calais – portent une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie familiale, soulignant ainsi la lourdeur administrative et la nécessité d’appliquer les procédures avec souplesse.

Ces décisions devraient inspirer plus d’un plaideur ! (voyez : Actualités Droits-Libertés du 1er mars 2016 - www.crin.org/sites/default/files/discussion_paper_-_minimum_ages.pdf

Discrimination contre les LGBT

Dans quelques pays européens, l’homosexualité est encore vue comme une maladie et la transsexualité comme un trouble mental. C’est ce qui ressort d’un rapport publié par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (première étude comparative dans 19 pays européens). Cette approche dépréciative des personnes LGBT dans la société, parmi les professionnels (fonctionnaires publics, agents de santé, enseignants, policiers,…) et les politiciens, contrecarre les moyens de lutter contre les discriminations et les discours haineux.

Si même en Europe, on en est encore là … http://fra.europa.eu/en/publication/2016/professional-views-lgbt-equality

Protection de la jeunesse : des modifications …

La loi du 16 février 2016, dite « Pot pourri 2 », a un impact important sur la situation des mineurs en conflit avec la loi. Les principales modifi cations concernent les délais d’appel (30 jours au lieu de 15), la forme de l’appel (obligation de déposer une requête circonstanciée et non plus se contenter d’une déclaration au greffe). Le délai d’appel contre les ordonnances de placement en section fermée reste fixé à 48h.

… qui soufflent le chaud et le très froid

Par ailleurs, après dessaisissement, le renvoi vers la Cour d’assises n’est plus possible, mais la durée des peines qui peuvent être imposées est considérablement augmentée puisqu’elle peut aller jusqu’à quarante ans s’il s’agit d’un crime punissable de la réclusion à perpétuité qui a été correctionnalisé.

Ce délai serait aussi de mise pour un fait commis du temps de la minorité.

De quoi donner le temps de réfléchir et aller dans le sens des États-Unis (notamment) qui sont un modèle de justice équitable, comme chacun sait. Nous reviendrons plus en détails sur ces modifications, et les autres, dans une prochaine édition.


Les bésicles de Jiji

Vikings spatiaux

Un corrigendum (nouvelle formule de l’erratum ?) qu’ajoute le Moniteur du 27 janvier à la loi du 9 décembre 2015 portant assentiment (ibidem, 12 janvier) nous fait découvrir «l’Accord de coopération concernant la navigation par satellite entre l’Union européenne et ses États membres et le Royaume de Norvège». Il y a quelques années, on pouvait aller par mer de Copenhague ou Stockholm à Oslo sans perdre la terre de vue, mais voici l’Europe dans un brouillard comme celui que dut vaincre Erik le Rouge pour atteindre le Grønland.

Encore pas juste

Ibidem, 4 février, un (véritable) erratum (si l’on peut dire) à l’ «avis relatif à l’indexation automatique en matière d’impôts sur les revenus» paru «le 28 janvier 2916» : «page 6481, texte néerlandais, article F, il faut lire : ‘Les montants visés [etc., pendant tout un alinéa]’». Le ministre (NVA) des Finances et la ministre (MR) de la Mobilité devraient permuter, dans un but de précision.

Myxomatose à l’état-major ?

Couronnant une pleine page d’Ici Paris du Soir (17 février), un titre en gras : «La terrible angoisse qui pèse sur les étoilés».

Du sang-froid : il ne s’agit pas d’une menace bactériologique contre nos (nombreux) généraux et amiraux, mais du stress dont souffrent les chefs des grands restaurants français.

Intolérable impunité

Justement («Journal des professions juridiques» édité par Wolters Kluwer, 20 janvier) lance un appel au meurtre, viol ou pillage : «Pas de peines correctionnelles ou criminelles pour les membres du Conseil supérieur de la Justice». L’article explique ensuite que pareille condamnation, même avec sursis, disqualifie d’office un(e) candidat(e) ou entraîne la perte du mandat, mais ce n’est pas un tel titre qui va aider le législateur à «éviter des problèmes lors des prochaines élections du Conseil».

Ça tombe dru

  • Selon un arrêté du gouvernement de la Communauté française (oui, de J. Milquet), daté du 16 décembre 2015 (Moniteur, 29 janvier 2016, 2ème éd.), «La définition du profil de fonction des tuteurs en entreprise (…) est défini selon le modèle repris en annexe». Voilà qui est net.
  • Au Journal de la RTBF Radio (1er février, 8 h.), concernant le début des «primaires» des élections américaines : «Le petit État d’Iowa». Seulement 3 millions d’habitants, certes, mais 135.000 km². Quelle est la longueur d’un bout de ficelle ?
  • Et à celui de 19 h. (même jour), à propos de la circulation automobile à Bruxelles : «La Commission ‘Tunnels’ est sur les rails». Ceux du R.E.R., assurément.
  • Et à celui de 8 h. (10 février), au sujet du recours allemand devant le Conseil d’État contre la remise en route de Tihange 2 : «On ne connaît pas encore la réaction du gouvernement belge». Mais elle sera sans fissure.
  • Et à celui de 7 h. 30 (19 février) : «Le Morgen révèle les lignes du contrat de gestion de la SNCB». Pas brisées, on l’espère.
  • Le Soir (5 février) annonce le départ du diplomate qui exerçait la fonction de secrétaire général de la Maison royale (nouvelle dénomination du Grand Maréchal). L’intéressé devient ambassadeur à Bangkok, «ce qui n’est pas un bâton de maréchal». Une rétrogradation.
  • Le même (16 février) cite le patron d’ArcelorMittal en Belgique : «On ne peut laisser filer l’acier aux mains des Chinois». Pourtant, s’ils font encore les câbles avec leurs doigts, la concurrence ne semble pas trop dangereuse.
  • Et ce journal (18 février) annonce aussi que le Fonds bruxellois du logement veut «Faciliter l’accès à la propriété des jeunes». Il n’y a pas de raison pour que seuls les vieux soient cambriolés.
  • Comme le claironne la publicité de Thomas Cook, l’agence de voyages, «Croisière : la 2ème personne part gratuitement». Elle doit donc payer pour revenir, sauf si la 1ère l’a noyée en route.