"Ici et ailleurs" du JDJ N°390

9ter pas effectif…

Le Conseil du Contentieux des étrangers a une approche extrêmement restrictive (contrôle de pure légalité) de sa mission d’examen des décisions de l’Office des étrangers (qui a lui-même une approche extrêmement restrictive des motifs de demande de régularisation qui lui sont soumises).

Témoin, cette décision par laquelle il écarte de nouvelles attestations médicales faisant état de l’évolution de l’état de santé, qui lui sont soumises pendant la procédure de demande de séjour pour motif médical.

Saisi par le Conseil d’État, la Cour constitutionnelle reconnait que la procédure 9ter n’est pas effective au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où un tel recours ne permet pas au CCE d’effectuer un contrôle «attentif», «complet» et «rigoureux» de la situation du requérant (Arrêt n° 186/2019).

… mais validé !

Mais elle valide la procédure compte tenu du fait que l’État belge est obligé d’examiner tout risque de violation des droits fondamentaux d’un étranger au moment de l’exécution d’une décision d’éloignement. Pour Céline Verbrouck, la Cour méconnaît la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt Paposvhili c. Belgique, 13/12/2016 qui oblige l’État à examiner le risque de violation de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et du droit au respect de la vie privée et familiale dans toute «décision d’éloignement». (voir : www.altea.be).

Les autorités feront-elles la sourde oreille ?

L’APEDAF, Association des Parents d’Enfants Déficients Auditifs Francophones oeuvre pour l’épanouissement de l’enfant sourd ou malentendant et sa famille (un.e jeune sur 100 de moins de 20 ans est touché.e par une surdité moyenne à totale). Elle lance une campagne : «L’école de mon choix, C’EST MON DROIT !» pour promouvoir l’inclusion des enfants sourds ou malentendants dans l’enseignement ordinaire. Elle a réalisé une mallette pédagogique, afin d’aider les enseignants à mieux appréhender la venue d’un enfant sourd ou malentendant dans sa classe. (www.apedaf.be).

Et sexiste en plus !

Peu d’observateurs (mais ça n’a pas échappé à la sagacité de Jean Jacqmain) l’ont souligné dans les commentaires sur la saga honteuse du rejet de la nomination de Zakia Khattabi à la Cour constitutionnelle (qui est manifestement entachée d’irrégularités, voir; : La Libre du 31/01/2020), un quota de genre doit être respecté : pas plus de 2/3 de juges du même sexe dans chaque groupe linguistique. Or, dans le groupe linguistique flamand, on trouve maintenant 2/3 de femmes ; tandis que les 5 juges francophones en poste sont tous des hommes. Le rejet de cette nomination participe donc au maintien d’un déséquilibre de genre au sein de notre juridiction suprême.

Ça rend la décision encore plus lamentable.

La recherche bientôt plus accessible ?

Petite révolution : l’Université de Californie (UC) a mis fin à son abonnement à Elsevier, le plus grand éditeur scientifique mondial. Motif : promouvoir l’accès ouvert à la recherche financée par les pouvoirs publics.

La recherche produite par les 10 campus de l’UC devient accessible immédiatement et gratuitement à tout le monde. L’éditeur voulait faire payer les auteurs, en plus des abonnements exorbitants (plusieurs millions de dollars) imposés aux usagers (dont les universités). «Le savoir ne doit pas être accessible qu’à ceux qui ont les moyens de payer; la quête pour un accès ouvert complet est essentielle si on veut maintenir la mission de cette université» a affirmé Robert May, le Président de l’UC.

Pourvu que d’autres universités suivent cette voie, la confiscation du savoir par ces éditeurs est un scandale qui crée de multiples effets pervers.

L’avenir des enfants du camp d’Al-Hol en danger (bis repetita)

«Appel à la communauté internationale : En tant que dirigeants du camp, nous appelons les gouvernements et les États à contacter l’administration autonome, en particulier au sujet des enfants. Nous pensons que la situation actuelle dans le camp, même temporaire, affecte le développement personnel des enfants. L’administration autonome a souligné à plusieurs reprises qu’elle cherchait une solution pour les enfants étrangers. La solution préférée est de les envoyer dans leur pays.»

No comment. (Source : https://rojinfo.com)

Plus de cachot pour les mineurs !?…

Le Conseil de l’Administration de la justice pénale et de la protection des mineurs (RSJ) a émis un avis au ministre de la Justice demandant que l’interdiction d’enfermer un mineur qui commet une infraction dans une cellule de police soit inscrite dans la loi.

Selon le RSJ, cette pratique «peut conduire à des situations effrayantes pour les enfants, par exemple à cause des cris de détenus ivres ou confus».(Source : https://rojinfo.com)

… oui, mais aux Pays-Bas !

L’organe consultatif souhaite que les enfants ne soient détenus que dans des cas exceptionnels, par exemple, s’ils représentent un danger direct pour eux-mêmes ou pour la société. Les enfants doivent pouvoir attendre une enquête de police à la maison. Le RSJ préconise également des cellules adaptées aux enfants, une formation au traitement des détenus mineurs et une période de détention maximale de 24 heures. Cet avis provient de nos voisins des Pays-Bas. Mais il aurait toute sa pertinence en Belgique.

LDH au rapport

La Ligue des droits humains publie son rapport annuel : l’État des droits humains en Belgique, qui a pour vocation de faire le point sur l’année écoulée. Pour cette édition 2019, elle a décidé de prendre au sérieux l’idée de lieux pour les enjeux qu’ils posent en termes de droits fondamentaux.

Des plus évidents comme les prisons, aux plus diffus comme les injustices environnementales, la visite de ces lieux lui permet de dresser un bilan nuancé, mais néanmoins préoccupant de l’année écoulée. La marée noire des élections du 26 mai, le sexisme dans la nomination des juges de la Cour constitutionnelle (voir ci-dessus), l’état des prisons, des centres fermés, des commissariats de police et des autres lieux d’enfermement, le manque de moyen de la justice, les licences de vente d’armes, les mobilisations pour les droits des femmes, le climat sont autant de thèmes passés au crible de l’analyse sans concession de cette institution qui est et doit rester la mauvaise conscience de nos autorités.


Les bésicles de Jiji

Excités comme des puces

Les député/e/s S. Rohonyi et F. De Smet (DéFI, le parti super-francophone) ont déposé à la Chambre une proposition de loi (55-0445) « modifiant le Code civil, visant à reconnaître à l’animal le statut d’être vivant doué de sensibilité dans le même Code ». Tout/e ancien/ne étudiant/e en droit se retrouvera aux examens tremblant sur son Larcier ou Bruylant. Il suffisait d’écrire « visant à y reconnaître », au lieu d’évoquer un concert de miaous et d’abois devant la prose de Portalis e.a., dont les tristes rédigeurs auraient mieux fait de s’inspirer.

Selon Le Soir (8 octobre), à la Commission européenne, « la Tchèque Vera Jourova s’est vue attribuer une vice-présidence ». Elle se regardait dans une glace quand elle a offert ce poste à qui ? La tournure « se voir » a si peu d’utilité mais présente tant de difficultés d’usage correct que mieux vaudrait y renoncer. Il fallait évidemment écrire « s’est vu » puisque s’ est COI d’attribuer et non COD du verbe principal en même temps que sujet de l’infinitif.

Au reste, « Une vice-présidence a été attribuée à la Tchèque Vera Jourova » aurait très bien convenu.

Tout en toc

Même gazette (18 octobre) : « La Cour constitutionnelle retoque la taxe sur les comptes-titres ». Ce verbe était usité en France depuis deux siècles, mais on ne l’a entendu en Belgique que récemment – à en devenir sourd. Il signifie exactement annuler, en droit comme au sens courant, et donc ne sert à rien puisque c’est ce que la Cour a fait. Quant à la loi fautive, du 7 février 2018, l’ancien ministre des Finances J. Van Overtveldt (NVA) s’attendait à l’accident puisque selon la légende de la photo d’illustration, il « n’avait jamais été un grand défendeur de cette taxe ». Mais non : le terme désigne la partie contre laquelle un procès est entrepris, et qui a droit à un défenseur.

Fallait le savoir

Au Moniteur (10 octobre 2019), un arrêté royal du 19 septembre 2019 « fixant les conditions et les modalités selon lesquelles l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités accorde une intervention financière aux praticiens de l’art dentaire pour l’utilisation de la télématique et pour la gestion électronique des dossiers médicaux en 2018 ». Pour visionnaires toujours sur les dents.

Pas si vite !

Celui du 21 octobre 2019 a publié un extrait de l’arrêt n° 241.794, rendu le 14 juin 2018 par le Conseil d’État, qui annulait une disposition relative à la suspension des droits des détenus aux indemnités d’incapacité de travail. Selon l’article 39, al. 3 du Règlement de procédure du Conseil, la partie adverse (l’autorité responsable : ici, M. De Block (VLD), comme dans le cas précédent) doit assurer une telle publication sans délai. Mauvaise perdante.

Ça tombe dru

  • Dans le nouveau gouvernement flamand, B. Weyts (NVA) est ministre à la fois de l’Enseignement et du Bien-être animal. Tous les élèves au dressage ? Réfectoires végans ?

  • Le Musée du Cinquantenaire tient une exposition « Crossroads : Travelling through the Middle Ages ». L’affiche montre un homme équipé d’une hache et d’un bouclier : la Samsonite du touriste médiéval élégant.

  • Solidaris Centre, Charleroi et Soignies (septembre 2019), revue des Mutualités socialistes, propose un « service Transport » : « Vous êtes un usagé à mobilité réduite ? ». Défense d’encore parler de « vieillard rhumatisant ».

  • L’ULB a lancé une invitation pour un hommage à la mémoire de « Salvatore Allende ». Avec le concours de Salvador Adamo ? On parle espagnol au Chili, pas italien comme en Sicile.

  • Par son arrêt n° 245.464 du 17 septembre 2019, le Conseil d’État a rejeté un recours contre un refus de changement de nom, parce que, depuis le 1er août 2018, la compétence revient au tribunal de la famille. À la demande du requérant, l’affaire a été anonymisée. Radical.

  • Et sur Juridat, les mots-clés d’un arrêt (P.19.0374.N) rendu le 15 octobre 2019 par la Cour de cassation : « Police sanitaire de l’homme ». Les mâles humains se lavent moins que les femelles, mais quand même ! Il s’agit de la législation sur les denrées alimentaires.

  • Le chroniqueur gastronomique de SOSoir (12 octobre) s’extasie sur des croquettes aux crevettes « qui sont exemplatives du genre ». Outre que le terme reste un belgicisme, il suggère une illustration de ce plat pour les pignoufs. L’auteur veut dire « exemplaires ».

  • Dans Le Soir (10 octobre), au sujet du rétablissement d’un contrôle douanier à Bruxelles-Midi, le porte-parole du SPF Finances : « On peut s’attendre à un impact minimal sur la durée du voyage. Il est prévu de réduire au maximum d’éventuels délais ». Rassurés ?

  • Ibidem (17 octobre), l’éditorialiste en chef cite S. Bracke (NVA) qui critique la VRT : « Les concepteurs de programmes ? Ils sont une infinie minorité ». De quoi se plaint-il ?

  • Encore (25 octobre), une page sur les égouts de Bruxelles : « Des travaux de rénovation s’imposent. Où ? De quelle ampleur ? La réponse ne coule pas de source. » C’est limpide.

  • Au Journal parlé de la RTBF Radio (28 octobre, 23 h.) : « Le corps [du chef de Daesh] a été inhumé en mer ». Et non « immergé en terre ». Heureusement, Le Soir du lendemain rectifie : « Le corps a été immergé en mer ». Merci bien.