"Ici et ailleurs" du JDJ N°393

Le confinement nous aurait-il appris …

«Vous savez ce que c’est de vivre dans la pauvreté ? Non ? Pourtant vous le vivez certainement "grâce" à ce confinement. Vivre dans la pauvreté… C’est ne pas pouvoir aller au cinéma, à des expositions, à des concerts… c’est devoir reporter vos soins de santé, ou les annuler… c’est ne pas pouvoir aller se relaxer au spa, à la piscine… c’est ne pas pouvoir partir en vacances… c’est ne pas pouvoir accepter d’aller boire un verre entre amis, ne pas pouvoir aller au restaurant… c’est ne pas pouvoir se faire des séances de shopping, ne pas pouvoir se rendre aux magasins… c’est renoncer parfois à une vie sociale, une vie sociale qui demande souvent d’avoir de l’argent… c’est devoir rester chez soi (parce que vous n’avez pas eu la chance de trouver un employeur)…

… ce qu’est la pauvreté ?

C’est ne pas pouvoir aller chez le coiffeur, ne pas pouvoir aller chez l’esthéticienne… et se débrouiller avec les moyens du bord… c’est devoir reporter votre rendez-vous chez le dentiste, chez l’ophtalmologue, alors qu’il a été pris il y a des mois… c’est devoir refuser à votre enfant de voir ses amis, de sortir, etc. Refuser à votre enfant de partir en voyage scolaire… c’est aussi rester en famille entre 4 murs.

C’est avoir la force de se supporter, sans même avoir la chance d’avoir la télévision, ou même internet… c’est avoir la force de vivre avec un homme ou un (beau) père violent et ne pas avoir les ressources (sociales ou matérielles) nécessaires pour s’en sortir… Est-ce qu’après ce confinement, nous pourrons mieux nous comprendre ? Je le souhaite du fond du coeur

Témoignage de Maïté, via le RWLP (également visible sur : www.youtube.com/ watch?v=XJXM-IzgfIc)

La diligence de la justice ou …

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), juridiction en charge de l’application du droit européen, est saisie d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat belge (CE) pour l’éclairer dans le cadre d’un litige en «cassation administrative» (agissant comme instance d’appel d’une juridiction administrative) dont il est saisi, contre une décision du Conseil du contentieux des étrangers (CCE), lequel confirme le refus, opposé par l’Office des étrangers (OE), de délivrer un visa pour regroupement familial, aux motifs que l’acte de naissance soumis serait faux. Vous suivez ?

… la justice au temps …

La demande de visa pour regroupement familial fut introduite le 9 décembre 2013 (l’intéressée ayant 14 ou 16 ans, selon les actes de naissance) ; l’OE rejeta la demande en mars 2014. Le CCE confirma ce refus le … 31 janvier 2018, soit près des 4 ans après. Le CE se prononça le 31 janvier 2019 dans une décision provisoire par laquelle … il posa une question préjudicielle à la CJUE laquelle est chargée d’éclairer notre haute juridiction administrative ; en substance, le CE demande si la demande de regroupement familial introduite pour une personne mineure, devenue majeure pendant la procédure judiciaire, doit être traitée selon les règles plus favorables appliquées aux mineurs.

… des diligences ?

L’avocat général de la CJUE vient de rendre son avis (le 15 mars 2020) et la réponse est OUI : c’est l’âge au moment de l’introduction de la demande qui compte. Mais ce n’est qu’un avis qui, même s’il est le plus souvent suivi par la Cour, ne préjuge pas de la décision finale.

Reste à attendre que la Cour se prononce ; et si cette décision confirme l’avis, renvoie l’affaire au CE qui conclura que la jeune fille a encore un intérêt à ce que la procédure soit poursuivie et annulera la décision du CCE, lequel sera amené à réexaminer toute l’affaire et pourrait exiger une réévaluation de la décision initiale à l’OE.

Et en cas de nouveau rejet, on sera reparti pour un tour. Il n’y a plus qu’à espérer que cette décision interviendra avant que l’intéressée n’ait atteint l’âge de la pension.

Pour les initiés, la conclusion de l’avis de l’avocat général de la CJUE :

«L’article 4 et l’article 18 de la directive 2003/86/EC du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que doit être considéré comme un "mineur", aux fins de l’article 4 de la directive 2003/86, le ressortissant de pays tiers âgé de moins de 18 ans à la date à laquelle il introduit une demande de regroupement familial dans un État membre mais qui atteint l’âge de la majorité au cours de la procédure administrative tendant à l’examen de sa demande ou durant la procédure juridictionnelle introduite ultérieurement à l’encontre d’un refus de regroupement familial.

Procédures trop complexes : …

Le cas qui précède démontre, s’il le fallait encore, que les procédures en droit des étrangers sont trop complexes en Belgique. C’est d’ailleurs la conclusion qu’on peut tirer de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 18 février 2020 (Makdoudi c. Belgique, req. 12848/15) qui conclut à ce que l’expulsion d’un tunisien qui a une fille belge, sans examen concret de sa situation personnelle, constitue une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui consacre le droit au respect de la vie privée et familiale.

Cette situation découle de la complexité des procédures. Le parcours du requérant est émaillé de différentes demandes de séjour, décisions et recours administratifs dont aucun n’aura permis d’obliger l’administration ou un juge à examiner l’impact d’une expulsion sur la vie de famille. En effet, des motifs procéduraux formels ont systématiquement empêché la prise en compte des éléments familiaux de cet étranger avant d’ordonner son renvoi.

… est-ce délibéré ?

Pourtant, ils ne peuvent empêcher un Etat d’évaluer l’existence d’une vie familiale et l’incidence d’un renvoi sur celle-ci. Pour la Cour, le Conseil d’État aurait dû examiner le risque de violation du droit à la vie familiale. Voir sur www.altea.be un commentaire détaillé de Céline Verbrouck.

Quand la justice …

Sans lien avec ce qui précède (quoique !), une affaire qui est passée quelque peu inaperçue, vu l’actualité sanitaire : le 17 mars 2020, le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles a condamné l’Etat à une astreinte allant jusqu’à 250.000 euros pour avoir illégalement sous-financé … la justice. (Voir l’Echo du 20 mars 2020).

… condamne le SPF Justice

L’affaire a été introduite par Avocats.be qui considérait que l’Etat était hors la loi en ne remplissant qu’à moins de 90% le «cadre» de la justice fixé par la loi, soit le nombre de magistrats et greffiers.

L’État est condamné à publier l’ensemble des places actuellement vacantes, le Gouvernement ne pouvant pas décider de réduire le cadre de sa propre initiative, ce qui a un impact négatif sur le délai et la qualité d’accès à la justice du justiciable ainsi que sur les conditions de travail de l’avocat.


Les bésicles de Jiji

Une affaire royale ?

Au Moniteur du 8 janvier, la loi du 20 décembre 2019 « portant assentiment à l’Accord de coopération [entre l’État et les autorités fédérées] portant sur la collaboration entre services d’Inspection dans le cadre de la Compétence en matière de protestations familiales ». Un texte de grande portée pour les relations dans la Maison de Saxe-Cobourg-Gotha, récemment agrandie ? Nullement, c’est (encore !) le texte néerlandais qu’il faut consulter : « gezinsbijslagen », lisez « prestations familiales » (ainsi que le confirme l’erratum paru le 15 janvier).

Comme l’archange du même nom

Le Soir (10 janvier) qualifie Ch. Michel de « nouveau pilote de l’aréopage des chefs d’État ou de gouvernement » de l’Union européenne. Dans l’Athènes antique, le terme désignait un collège de magistrats qui siégeait sur la colline du dieu Arès ; c’est le nom actuel de la Cour de cassation de Grèce ; et au sens figuré, il qualifie une auguste assemblée. Pourtant, il suscite un barbarisme opiniâtre vu son apparente proximité avec « aéroport », où les pilotes ne manquent pas.

Que de misère !

Ibidem (11-12 janvier), au sujet d’un assassinat présumé : « La Belge de 39 ans, embrigadée dans la secte [française « La Rose et l’Épée»], était morte dans un cabanon d’Hastière. Atteinte d’un cancer et affamée, une plainte a finalement été déposée par sa famille ». Qui souffre de malnutrition et de maladie ? la plainte ? la famille ? en tout cas pas la victime, puisqu’elle est décédée.

Guerre des juges

De plus (24 janvier), après l’annulation de la loi qui instituait « l’allocation de mobilité » : « Déjà dénoncée par le Conseil d’État en novembre 2017, la Cour constitutionnelle a donné le coup de grâce à la législation ». Pourquoi les magistrat/e/s de la rue de la Science ont-ils ainsi trahi ceux (et quelques celles) de la place Royale, qui au demeurant ont persisté dans leur intention destructrice ?

Ça tombe dru

  • Par son arrêt n° 246.430 du 17 décembre 2019, le Conseil d’État annule un complément au règlement de la circulation de la ville d’Anvers, qui interdisait la vente et l’usage des quads. Sur le site, l’arrêt figure sous « Fonction publique locale et provinciale ». Ces agents ont pourtant droit à une prime d’utilisation du vélo ?

  • Selon Le Soir (8 janvier), « Après 18 mois de transformation, [la RTBF] entend confirmer son virage à 360° ». On va voir ce qu’on a déjà vu (par ex., La grande vadrouille, à l’envers).

  • Itou (13 janvier), à propos de décès de patients agonisants, que reprochent les familles, un expert : « Le risque de désintéressement des médecins pour la sédation palliative est réel ». Ils ne la pratiquent que si elle leur rapporte ? Le bon terme était « désintérêt ».

  • Aussi (16 janvier) : « Les étudiants ne devront pas rembourser les bourses indûment perçues ». Gardez les bonbons (même les filles) ! « Restituer » eût été adéquat.

  • Encore (23 janvier), le bureau politique d’Ecolo consacré à l’affaire Z. Khattabi : « Un sentiment unanime anime les verts : la colère ». Au lieu de Namur, la réunion aurait dû se tenir à Nismes (Viroinval).

  • En outre (31 janvier), le royal discours de vœux aux autorités ; « L’année passée, nombre de nos compatriotes ont à nouveau reçu un insigne d’honneur pour leur courage et leur dévouement ». Toujours les mêmes ? « À nouveau » devait précéder « nombre ».

  • Dans L’impertinent (décembre 2019), bulletin de la CSC-ULB (si, si), au sujet de l’obligation pour l’employeur d’intervenir dans le coût des lunettes de travail sur écran : « Nous devrions voir le bout du tunnel ». On craint que ce soit plus grave qu’il y paraît.

  • Au Journal des tribunaux (11 janvier), un article sur « La résolution par voie de notification » (un mode de dissolution des contrats) : « Avec son arrêt du (…), la Cour de cassation continue de s’engager résolument sur la voie d’une modernisation (…) ». Elle a dû s’y résoudre.

  • Le communiqué du PS bruxellois au sujet de l’exclusion d’E. Kir (18 janvier) : « La commission de vigilance a statué après avoir pris connaissance du rapport de deux rapporteurs ». Et toc !

  • Elle (éd. française, 17 janvier) interviewe le rappeur Lomepal : « [Avec ma copine] on a une vie très simple (…), on fait des voyages(…) ». Et pour conclure : « En 2020, j’ai décidé de changer de routine : je vais voyager (…) ». De copine aussi, probablement.

  • Un journaliste au 7-9 de la RTBF Radio (24 janvier, 8 h. 30), ravi des progrès de la technologie médicale : « 285 millions de personnes à travers le monde pourraient voir leur vision s’améliorer ». À vue d’œil : ce serait bien utile pour l’ULB (ci-dessus).

  • Un autre au Flash de minuit (même date) : après la découverte de cas de gale parmi les passagers, « les conducteurs d’autobus de Charleroi ont débrayé ». Boîtes manuelles ?

  • Dans une notice de Wikipédia : « Dagon est le dieu invoqué par le grand-prêtre philistin et Dalida à l’acte III de l’opéra Samson et Dalila de Saint-Saëns ». On l’attendait de longue date.

  • Moniteur du 27 janvier : arrêté royal du 17 décembre 2019 « portant nomination d’un juge social (…) près du tribunal du travail d’Eupen ». Pour qu’il n’ait pas loin à se déplacer ? (voir J.D.J. n° 389, p. 47). On doit écrire « près le tribunal », « auprès du » ou… « au ».