"Ici et ailleurs" du JDJ N°404

Tiers, bien sûr, mais …

Les faits : un Conseil de classe buse un gamin (16 ans). Le Conseil de recours pour l’enseignement secondaire ordinaire de plein exercice de caractère confessionnel rejette le recours. Et le Conseil d’État déclare le recours subséquent irrecevable parce qu’introduit par le seul père de l’enfant, malgré une lettre de la mère confirmant son accord.(Arrêt n°250.097 du 12 mars 2021).

La vénérabilissime et hautissime autorité administrative s’est fondée sur le Code civil : en principe, l’autorité parentale est conjointe (toutes les décisions concernant l’éducation des enfants sont prises avec l’accord des deux parents), mais un parent seul peut accomplir des actes de représentation, étant réputé agir avec le consentement de l’autre, visà- vis de tiers de bonne foi.

… de bonne foi, …

En rejetant le recours, nos juges de la rue de la Science (infuse) se considèrent eux-mêmes comme n’étant pas de bonne foi (remarquez, on n’a pas dit qu’ils se considèrent de mauvaise foi).

Comme à sa bonne habitude (cette position n’est pas neuve, loin s’en faut), le Conseil d’État trouve toutes les arguties pour rejeter des recours et en faire le moins possible. Il n’y avait pas doute en l’espèce que les deux parents étaient d’accord pour agir en représentation de leur enfant ;

… certainement pas !

Pourtant, l’incapacité du mineur est une mesure de protection, pas une sanction ; les juridictions civiles considèrent qu’une procédure qui aurait été introduite à l’encontre de ce principe peut être régularisée.

Il est loin le temps où le Conseil d’État reconnaissait à l’enfant la capacité d’agir en justice (quand les parents n’agissent pas ou quand il s’agit d’un droit intrinsèquement attaché à sa personne et qu’il agit avec le discernement nécessaire).

Procéduralisme poussé à l’extrême, absence d’audition de l’enfant, non-respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 22bis de la Constitution et 3 et 12 de la CIDE) : on se demande qui le Conseil d’État sert par ce type de décision; certainement pas les droits de l’enfant; certainement pas la sécurité juridique.

Sans doute leur propre petit confort. Bref, ça ressemble fort à un déni de justice.

Thèse sur la protection de l’enfance

L’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE) décerne depuis 2017, en partenariat avec la Fondation de France, un prix récompensant une thèse, rédigée en français, portant sur la protection de l’enfance quelle que soit la discipline concernée (sciences humaines et sociales, droit, psychologie, médecine…).

Ce prix, d’une valeur de 10.000 € s’adresse aux étudiant-e-s ayant soutenu leur thèse de doctorat 2019 ou 2020. Voir : www.onpe.gouv.fr/actualite/prix-these-onpe-fondation-france-2021

La dette ou la vie (des enfants)

Un pays sur huit consacre un budget plus important au remboursement de sa dette qu’à l’éducation, à la santé et à la protection sociale réunies.

Voyez le nouveau rapport de l’UNICEF : Rapport : Covid19 and the looming debt crisis sur unicef.be.

Les enfants dans les filets des algorithmes

Facebook met actuellement au point une version d’Instagram destinée aux enfants de moins de 13 ans. Ce qui fait dire à Rasha Abdul-Rahim, codirectrice d’Amnesty Tech «Facebook représente l’une des plus grandes menaces en ce qui concerne le droit des enfants au respect de la vie privée. S’il est crucial d’accroître la protection des enfants en ligne, il n’en reste pas moins que Facebook va recueillir des données relatives à des enfants et tirer des bénéfices de leur profil détaillé», avec le risque «d’être bombardés de publicités ciblées et de messages incendiaires destinés à capter leur attention à tout prix. Ils seront à la merci des algorithmes de Facebook, qui ne font bien souvent qu’amplifier la désinformation et creuser les divisions afin de susciter un maximum de réactions.» (amnesty.be).

Ceci d’autant plus que Facebook, Instagram ou encore WhatsApp sont majoritairement utilisés par les pédocriminels en ligne pour approcher leurs victimes.

« Ohé (O.E.), l’intérêt supérieur de l’enfant,…

«Le dilemme des petites filles à risque d’excision : ton clitoris ou ta maman ?» : c’est le titre volontairement provocateur utilisé par un groupe d’associations et d’avocats pour dénoncer la pratique de l’Office des étrangers qui accorde un statut de réfugiées aux jeunes filles à risque d’excision, mais pas à leur famille qui, elle, reçoit un ordre de quitter le territoire.

Par ailleurs, nos génies de l’OE compliquent à souhait les procédures pour ces dernières. (via amnesty.be)

… ça vous dit quelque chose ? »

À toutes fins utiles, nous rappelons à cette aimable administration la teneur de l’article 3 de la Convention des droits de l’enfant et sommes même disposés à leur envoyer le texte par la poste, vu qu’il ne figure pas dans leur documentation.<:P>

Pas si vite !

La réforme des rythmes scolaires semble s’accélérer. Plusieurs acteurs du secteur de la jeunesse (dont Jeunesse & Droit) se disent partants, mais sont préoccupés. Ils rappellent que cette réforme a des effets collatéraux, notamment sur leur secteur et s’inquiètent d’un risque d’augmentation des inégalités sociales, du manque d’infrastructures pour les activités proposées, des moyens disponibles pour adapter l’offre des activités extrascolaires, de l’adaptation de la journée à l’école, de la situation d’enfants de parents séparés et des suites de la crise sanitaire.

Si ces inquiétudes sont légitimes, et donc les réponses attendues, il n’en reste pas moins que la réforme est dans les cartons depuis belle lurette.

Des solutions …

Incroyable, la police belge serait coupable de violence et de profilage racial ! Encore des accusations d’anarcho-gauchistes qui n’ont aucun respect de l’autorité ? Ben non ! C’est le Comité des Nations unies contre les discriminations raciales qui est arrivé à cette conclusion dans ses dernières observations finales concernant la Belgique.

«Le comité est préoccupé du fait que le profilage racial par la police continue d’être un problème persistant dans l’État partie et qu’il n’existe aucune loi interdisant explicitement le profilage racial».

… à portée de main

Sont aussi visés la formulation trop vague des motifs pouvant donner lieu à un contrôle policier dans la loi sur la fonction de police («motifs raisonnables») et le manque de données sur les personnes visées par des contrôles.

Mais que le Gouvernement belge se rassure : la solution à ces problèmes est proposée par ce même Comité : un plan d’action, un système indépendant de traitement des plaintes, des formulaires précisant les raisons du contrôle avec mention des voies de recours. Et tant qu’on y est, des enquêtes promptes, complètes et impartiales concernant les incidents racistes.


Les bésicles de Jiji

Le traduiseur ne renonce jamais

Au Moniteur du 6 janvier, un arrêté du gouvernement flamand daté du 18 décembre 2020, en matière de prestations familiales et dont l’exécution est confiée au « ministre flamand ayant le grandir dans ses attributions ». Augmenter qui ça ? personne : « opgroeien », comme verbe, signifie « croître » et comme substantif, « croissance », mais seulement au sens du développement d’un enfant ; c’est intraduisible. À force de « babbelen », nous voici à Babel.

Digital dans l’œil

Interviewé par Le Soir (22 janvier), Mathieu Michel Minor (Minimus ?), secrétaire d’État (MR) à toutes sortes de choses dont la digitalisation : « Je ne vais pas me supplanter à l’Autorité de protection des données ». Ce verbe signifie soit « passer devant », soit « remplacer » ; il a voulu dire « me substituer » et sa virtuosité en français vaut bien sa maîtrise du néerlandais. Enfin, quelqu’un succède à Joëlle Milquet pour le championnat du galimatias.

Collabos

Une dépêche Belga dans Le Soir (26 janvier) : « Le parlement flamand reconnaît son erreur à propos de deux collaborateurs ». Exact : il s’agissait des deux amis des nazis qui figuraient dans la liste des pionniers de l’émancipation flamande, publiée par ce parlement. Mais le terme est aujourd’hui tellement banalisé qu’on pouvait comprendre « à propos de deux membres de son personnel ». Un employeur n’a plus que des collaborateurs, même s’il les exploite à outrance, et l’administration fédérale désigne ainsi ses fonctionnaires du niveau le moins élevé. Karl (Marx), on t’attend !

C’est eux qui l’ont dit

En son article 11.3.10, l’arrêté royal du 30 mars 2001 relatif au statut du personnel de la police octroie une allocation à l’agent « contestable et rappelable ». Autant dire à tout l’effectif, penseront bon nombre de citoyens. Mais non : il faut lire « contactable », un anglicisme parfaitement inutile puisque « joignable » existe en français. De son côté, le néerlandais a toujours été correct (« bereikbaar »), ce qui sans doute explique qu’en 20 ans, pareille ânerie n’ait pas été rectifiée.

Ça tombe dru

  • Selon Le Soir (6 janvier), « Wallonie : des experts de haut vol pour la dette ». Seul Arsène peut sauver Elio de la saisie.

  • Ibidem (7 janvier), une dépêche de l’AFP : « [Un bateau de pêche irlandais] a été abordé par un patrouilleur de la marine écossaise ». Bien sûr : la Première ministre s’appelle Sturgeon

  • Encore (8 janvier), scandaleux : « Airbnb donnera les revenus de ses hôtes au fisc ». Faire des cadeaux avec l’argent des autres ? Il s’agit d’informations sur les gains des propriétaires qui mettent en location par l’intermédiaire de la plate-forme.

  • De plus (12 janvier), sur une mort suspecte après une arrestation : « [Un] Bruxellois de 23 ans est décédé (…) sur les coups de 20 h. 22 à la Clinique (…) ». Cette horloge analogique sonne aussi les minutes ? Ou elle a servi à taper sur la victime ?

  • Aussi (15 janvier), « [Joe Biden] se rendra au Cimetière national d’Arlington (…) pour un dépôt de gerbes sur les tombes des soldats inconnus ». Il aurait à faire, mais non : un seul tombeau symbolique est consacré aux morts sans noms.

  • Itou (21 janvier), F. De Smet (Défi) propose de modifier la Constitution pour y définir la Belgique comme un État laïque [ne pas confondre : le terme « laïc » signifie « qui n’appartient pas au clergé »]. Le journaliste observe qu’une majorité parlementaire serait difficile à trouver. Réponse : « Je ne m’attends pas à des miracles ». Faux jeton !

  • Et même (29 janvier), D. Clarinval (MR), ministre fédéral des Indépendants, sur la marge salariale : « J’ai évidemment mon mot à dire, je dirais même plus ». Selon les Dupondt : « son dire à mot ».

  • Enfin (29 janvier aussi), « Les femmes enceintes exposées au risque de covid sévère peuvent être vaccinées ». Il y a donc également un virus clément, on n’ose y croire.

  • Au Journal de la RTBF Radio (19 janvier, 18 h.) : en raison d’une restructuration stratégique chez FedEx, « l’emploi est impacté dans cette entreprise de colis ». Excès de zèle : ils se sont emballés eux-mêmes ? « Frappé » aurait convenu – en français.

  • Le Moniteur du 29 janvier publie une modification des titres des ministres fédéraux ; notamment, V. Van Quickenborne (VLD) est « ministre de la Justice et de la Mer du Nord ». Si la première disparaît, nous saurons où la chercher.