"Ici et ailleurs" du JDJ N°402

Une peine perpétuelle…

«La pauvreté est une peine longue, parfois perpétuelle, imposée pour un crime que la personne qui la subit n’a pas commis. Elle ne se ramène pas à une précarité financière. Comme le reconnaissent les Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme (ONU, Conseil des Droits de l’Homme 27/09/2011), elle se traduit par «de multiples violations en chaîne des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels», conduisant à ce que «les personnes vivant dans la pauvreté se voient régulièrement dénier leur dignité et leur égalité» […] ».

…pour un crime non commis

C’est par cet «éditorial» que la nouvelle Revue droits fondamentaux et pauvreté, publiée en ligne, se présente.

Elle est entièrement consacrée à l’articulation entre la pauvreté et le respect des droits fondamentaux.

Bilingue, elle s’adresse à un public plus large que celui des juristes «autorisés», praticiens ou théoriciens de la matière. Revue essentielle donc, qui contribuera à n’en pas douter à alimenter les débats sur la lutte contre la pauvreté.

Rapatriement : en espérant …

À l’heure où le Gouvernement annonce, enfin !, de rapatrier les enfants (de moins de 12 ans et les mères au cas par cas) retenus dans les camps dans le nord de la Syrie, www.justice-en-ligne.be propose une interview d’Alice Jaspart, criminologue et directrice de la recherche au sein du CAPREV (Centre d’aide et de prise en charge de toute personne concernée par les radicalismes et les extrémismes violents en Fédération Wallonie Bruxelles).

Elle y détaille le rôle de son Centre, son approche du radicalisme violent.

Interview sans tabou, sur un thème extrêmement délicat et clivant dans la société. La chercheuse annonce clairement que le but du CAPREV n’est pas de faire changer de discours; elle explique comment ils rentrent en contact avec les personnes concernées et leur offrent une aide et des espaces de parole.

Discours tout en nuances, loin des diatribes des réseaux dits sociaux.

… qu’il ne soit pas trop tard

Sur ce même thème, le Parlement européen a adopté une résolution le 11 mars 2021 sur le conflit syrien, dix ans après le soulèvement.

Il est extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire, sanitaire et sécuritaire dans les camps du nord-est de la Syrie, notamment dans les camps d’Al-Hol et de Roj, qui restent des foyers de radicalisation. Il estime que les ressortissants de l’Union soupçonnés d’appartenir à des organisations terroristes et détenus dans ces camps doivent être jugés devant un tribunal et «invite les États membres à rapatrier tous les enfants européens, en tenant compte de leur situation familiale propre et de l’intérêt supérieur de l’enfant en premier lieu, et de leur fournir le soutien nécessaire à leur réadaptation et à leur réintégration, dans le plein respect du droit international.»

Quand le bon sens prévaut

Interpellé par le Conseil de prévention de Namur à propos de contrôles d’identité de travailleurs de rue d’AMO qui dans le cadre de leur travail rencontrent des groupes de jeunes et peuvent donc être en infraction par rapport à la «bulle de 4», le Procureur du Roi écrit aux chefs de corps de la police : «Afin de ne pas entraver ce travail essentiel, je vous informe qu’il n’y aura pas de poursuite en de telles circonstances et que je ne sollicite donc pas la rédaction de PV. A fortiori, il n’y a pas lieu de proposer aux intéressés de payement d’une transaction immédiate. » Raisonnement qu’il applique aux travailleurs du SAMU social ou à toutes les équipes psycho-médico-sociales dont les missions ont vocation à s’exercer en rue auprès de publics fragilisés.

Dire qu’il faut rappeler de telles évidences !

Arrête de te comporter comme un policier !

Appelés dans le cadre d’un conflit familial qui concernait une jeune fille noire de 9 ans, la police de New-York a cru bon d’utiliser un spray au poivre, de la maîtriser violemment et de lui mettre les menottes.

Comme elle résistait encore au moment d’être embarquée dans la voiture de police, l’agent lui crie dessus : «arrête de te comporter comme un enfant»; la réponse de la jeune fille a fusé : « je suis un enfant ».

Sus au ROI discriminatoires

Aux Pays-Bas, une jeune fille d’origine turque a été punie parce qu’elle a parlé turc, sa langue maternelle, à l’école. Elle a été privée de récréation et a dû recopier une page de dictionnaire en néerlandais. Fait divers malheureusement trop courant (en Belgique aussi), qui est hautement critiquable.

L’usage de sa langue maternelle fait partie de l’identité d’un enfant, droit garanti par la Convention des droits de l’enfant (entre autres).

C’est aussi un message extrêmement négatif qui est lancé puisqu’il signifie que c’est mal de parler turc (ou toute autre langue que celle de l’enseignement). Il faudrait au contraire valoriser tout élément relatif à l’identité d’un enfant qui se sentira respecté, sera fier de ses racines et donc dans de meilleures conditions pour étudier.

Et pendant ce temps-là, en France …

Un état des lieux «préoccupant ». Un total de 804 mineurs étaient incarcérés au 1er janvier 2020, contre 672 dix ans plus tôt. 82% sont en détention provisoire et donc présumés innocents.

C’est ce qu’indique un rapport de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, qui souligne par ailleurs que le nombre de mineurs placés dans des Centres éducatifs fermés (CEF) «ne cesse d’augmenter». Pas sûr du tout que la nouvelle loi sur la justice pénale des mineurs inverse cette tendance, bien au contraire.


Les bésicles de Jiji

Le Prix 2020 des Bésicles opaques

… revient « de droit » à une fausse bonne nouvelle. Le Moniteur du 4 novembre a annoncé les résultats d’une sélection comparative d’inspecteurs sociaux francophones pour l’ONEm : « En outre, une liste spécifique des 0 lauréats présentant un handicap est établie ». On croirait que la santé de la population s’améliore considérablement (malgré la pandémie…), mais cette formulation aussi automatique qu’imbécile n’exprime le soulagement que de l’agent/e qui a dû « établir » la liste.

C’est grisant

La chronique « Mon assiette » du Soir (13 novembre) chante les vertus de la viande des Grisons. « Le séchage (…) a lieu à une altitude de plus de 800 mètres (…) ». L’expert poursuit : nécessitant le froid, le séchage ne se pratiquait auparavant que l’hiver, « mais les techniques de climatisation ont permis de le faire toute l’année ». Or, même un sous-marin en plongée a l’air conditionné ; on se demande pourquoi il faut encore grimper jusque-là.

Majestatif

Ibidem (16 novembre), sur la 4ème saison de la série TV The Crown et la véracité de ses portraits psychologiques : « Thatcher avait essayé d’imiter la reine lorsqu’elle a dit ‘Nous sommes une grand-mère’ après avoir eu son petit-enfant », rappelle le spécialiste. Et le journaliste commente : « Le langage à la troisième personne est en effet un privilège propre à la royauté ». On en perd ses pronoms.

Ayons peur des mots

Encore (17 novembre), Sarah Schlitz (Ecolo), secrétaire d’État à l’Égalité des chances, déclare que sur les questions de genre, la lutte contre les violences sexuelles est un « élément central, hyperpartagé par nos partenaires » (politiques) ; la méthode du salami, c’est peu rassurant. La gazette commente aussi que l’intéressée « a choisi de s’entourer d’une experte rodée [à la] lutte pour les droits des femmes » ; quelle pieuvre !

Ça tombe dru

  • Le 3 novembre (23 h.15), retransmise par la RTBF-Radio, la présentatrice de France 2 : « Nous voici à l’aube de cette nuit américaine » (celle des résultats des élections). Saleté de décalage horaire !

  • Dans Le Soir (7-8 novembre), « Les chasseurs ont le vague à l’âme » (et dans la mire aussi ?) car les restaurants sont reconfinés alors qu’avec la fin de la peste porcine, « Le gibier commençait à reprendre des couleurs ». Ce qui facilite les tirs.

  • Itou (12 novembre), la dépêche Belga sur la cérémonie (si l’on peut dire) à la colonne du Congrès : « … avant que le Roi rallume la flamme éternelle ». Un plombier thaumaturge.

  • Justement(14-15 novembre), la nécrologie : « En raison des mesures sanitaires, l’incinération a eu lieu dans la plus stricte intimité ». Pourtant les feux de jardin sont prohibés ? (oui, je l’ai déjà faite, dans le n° 388, p. 47).

  • Elle (éd. France, 6 novembre), l’acteur belge Stéphane De Groodt dit beaucoup travailler : « Comme si j’étais à vélo, il est impératif de pédaler, sinon je tombe. Cela me vient de mon ancienne vie de coureur automobile ». Il a bien fait d’y renoncer.

  • Dans le même numéro, l’éditorialiste s’indigne de voir le reconfinement français frapper les librairies : « Les livres sont considérés à peu près comme des tongs ! Une situation (…) illisible ». Exact.

  • À l’émission Un jour dans l’histoire de la RTBF Radio (17 novembre, 14 h.), l’animateur : « Géricault s’obstine à peindre ‘ Le radeau de la Méduse ‘ contre vents et marées ». Et sans dérive

  • Et à Entrez sans frapper de la même station (19 novembre, 12 h.), une chroniqueuse : « La comtesse de Ségur fustige les châtiments corporels ». Sado-maso, Sofia Rostoptchina ?

  • Encore, au Journal parlé (19 novembre, 19 h.) : « Les bébés pourront continuer à naître à la maternité d’Auvelais ». Sinon, ils auraient dû arrêter et faire autre chose.

  • La couverture du J.D.J. n° 398 (octobre) : « Scolarisation des sans papier ». De Charybde en Scylla, puisque les élèves dénoncent sans cesse la pénurie de cet article dans les toilettes.