"Ici et ailleurs" du JDJ N°431

L’audition des enfants …

Perdues dans les 35 pages et 172 articles d’une loi fourre-tout du 27 mars 2024 (M.B. 29/03/2024), portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses, figurent quelques modifications du Code judiciaire concernant l’audition de l’enfant en justice (comme si ce thème ne méritait pas une loi distincte !?).

C’est ainsi qu’on découvre, dans ce fouillis indescriptible, la modification de l’article 1004/1 du Code judiciaire : «Tout mineur a le droit d’être entendu par un juge dans les matières qui le concernent à l’exception des demandes liées aux obligations alimentaires et les demandes purement financières ou patrimoniales qui ne concernent pas directement le patrimoine du mineur. Il a le droit de refuser d’être entendu».

… perdue dans une jungle …

Et tant qu’à faire, un nouveau paragraphe prévoit que : «Les représentants légaux du mineur de moins de douze ans sont informés par le juge que le mineur peut adresser une demande au juge afin d’être entendu».

Il faudra, je pense, modifier les avis de fixation pour le mentionner ou en informer les parties à l’audience et le faire acter au P-V.

… d’une loi-programme

La loi prévoit également l’obligation pour la chambre de règlement amiable d’entendre les mineurs, ainsi que son «droit d’être assisté de la personne de confiance majeure de son choix lors de l’audition». Par ailleurs, il est prévu que le juge «informe le mineur qu’il a le droit de préciser que tout ou partie des informations qu’il donne sont confidentielles. Les informations confidentielles ne figureront pas dans le rapport, mais pourront être transmises au ministère public».

D’aucuns y verraient une rupture du droit de la défense, mais la Cour européenne des droits humains a régulièrement tempéré ce principe quand un autre principe, telle la protection d’un enfant, trouve à s’appliquer.

Better Internet for Kids

Dans le JDJ n° 430, décembre 2023, p. 25, nous avons publié la proposition de résolution visant à garantir la sécurité en ligne des enfants; depuis lors elle a été adoptée en assemblée plénière. Il revient maintenant au Gouvernement fédéral de mettre en oeuvre les demandes formulées dans cette résolution.

En aura-t-il encore le temps d’ici la dissolution du parlement ?

L’accès à l’eau …

L’État néerlandais et les compagnies d’eau ont été condamnés par le tribunal de La Haye pour leur pratique de couper l’eau potable aux familles avec enfants. Cette décision a été obtenue à la suite d’une action en justice collective menée par une association de défense des droits de l’enfant.

La décision reconnaît aux enfants un droit indépendant à l’accès à l’eau potable et considère que les priver de ce droit est une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le tribunal ordonne à l’État de leur garantir l’accès à l’eau potable et les sociétés de distribution d’eau ont l’interdiction de couper l’eau aux enfants.

À reproduire en Belgique ?

… = droit fondamental

Sur le même thème, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a déposé une réclamation collective auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (en application de la Charte sociale européenne) pour exiger de la France un accès urgent à l’eau potable en Guadeloupe (dans plusieurs régions, les coupures peuvent durer des heures, voire plusieurs jours jusqu’à provoquer la fermeture d’écoles) et des réparations pour l’empoisonnement des Antilles au chlordécone.

Il s’agit d’un pesticide abondamment utilisé dans les bananeraies de 1972 à 1993 en Guadeloupe et en Martinique qui a contaminé près de 90 % de la population. (Voir mediapart.fr). À suivre, d’autant que le recours est fondé sur la Charte sociale européenne, ratifiée par la France, mais qui a toujours refusé de spécifier explicitement qu’elle s’applique également aux territoires ultramarins.

Criminalisation de la désobéissance civile

Malgré une levée de boucliers, la modification du Code pénal, qui inclut maintenant le délit d’atteinte méchante à l’autorité de l’État, a été adoptée.

Il pourrait permettre de réprimer les mouvements sociaux, les manifestations, les marches pour le climat… Bref, une criminalisation de la désobéissance civile.

On pense aux actions-chocs des défenseurs de l’environnement, dont Greenpeace, qui utilise régulièrement ce type d’actions.

Pas très réjouissant tout ça.

Pauvreté et accueil de la petite enfance

La CODE (Coordination des ONG pour les Droits de l’Enfant) a réalisé son mémorandum en vue des élections de 2024. Priorité à la lutte contre la pauvreté qui comprend l’accès équitable de chaque enfant à des services d’accueil de la petite enfance.

L’association rappelle qu’en Belgique, moins d’un enfant sur deux fréquente un milieu d’accueil, créant des disparités flagrantes, principalement pour les familles les moins favorisées. (Voir : https://lacode.be/).


Les bésicles de Jiji

Le Prix 2024 des Bésicles opaques

À l’unanimité de moi, il revient à la loi du 31 juillet 2023 « visant à modifier le Code pénal en vue d’incriminer les pratiques de conversio » (Moniteur, 18 octobre). Cet usage aussi élégant que subit du latin constituerait déjà un motif de louanges, mais l’adéquation de l’énoncé à l’objet du texte laisse baba (ou bobo ?). C’est qu’il ne s’agit pas de changement de religion, ni de passage de l’essence à l’électricité : la loi entend prohiber des pratiques qui visent « à réprimer ou à modifier l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre d’une personne ». Ovation pour les excellences V. Van Quickenborne (VLD) et G. Gilkinet et M.-C. Leroy (Ecolo) qui ont proposé cet intitulé limpide.

On essaiera de ne pas l’oublier

Dans le même journal officiel (20 juillet), une loi du 28 juin 2023 modifie toute la législation fédérale anti-discriminations pour y inscrire la définition suivante : « Une personne en situation de vulnérabilité est une personne qui se retrouve en situation de vulnérabilité ». Le traduiseur s’est surpassé, car l’original néerlandais (ben voyons !) utilise deux termes, « toestand » et « situatie » : c’est bien plus clair en français.

Parfois, le magicien scie vraiment sa partenaire en deux

En 2014, la Cour constitutionnelle avait annulé, pour défaut de motivation, la disposition de la loi du 19 juillet 2012 « portant réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles » selon laquelle les titulaires des fonctions de procureur du Roi et d’auditeur du travail doivent être francophones. Le Soir (28-29 octobre) consacre une page au « tour de passe-passe » par lequel le gouvernement fédéral va régler la question. Selon la gazette, un avant-projet de loi va rétablir la disposition comme « un des éléments inextricables et indissociables de l’accord institutionnel pour la sixième réforme de l’État ». Oh le beau motif ! Les juges de la place Royale mouillent déjà leurs crayons.

Ça tombe dru

  • À « L’heure H » sur La Première de la RTBF Radio (13 octobre, 15 h.), l’histrion raconte l’exécution, en 1917, de Mata-Hari, « la femme qui bientôt verra le souffle de l’existence la quitter ». En effet, elle refusa le bandeau sur les yeux.

  • Et à « Matin Première » (31 octobre, 8 h.), le « Monsieur Cimetières de Wallonie » déclare : « Réserver la plus grande partie de l’espace disponible aux morts serait invivable ». Oui.

  • Bruxelles-Formation propose ses services à qui veut devenir « coéquipier en restauration urbaine ». Bravo, membre d’une brigade de maçons pour retaper le Palais de justice ? Eh non : gargotier dans un fritkot du Vismet.

  • Dans Le Soir (17 octobre), une page sur l’ouverture de la « Cité de la langue » à Villers-Cotterêts : « ce lieu paradoxal où vécurent tant d’écrivains (Dumas, Racine, Lafontaine, Rousseau…) ». Auguste compagnie pour le « Cœur de loup » ! Mais ce n’est qu’une fable.

  • Ibidem (25 octobre), toujours à la pointe de l’arithmétique : « Intégrer [la petite Moldavie à l’Union européenne] n’aurait pas le même impact que faire entrer un pays de 40.000 habitants comme l’Ukraine ».

  • Aussi (6 novembre), un billet de l’AFP : « L’avion présidentiel colombien sert aussi à rapatrier (…) au moins 560 objets précolombiens ». De quel droit ? Ce pauvre Cristoforo qui se disait arrivé au Japon continue à semer la confusion.

  • De plus (10 novembre), le S.P.F. Stratégie et appui propose « un trajet de développement pour dirigeants orienté vers le leadership ». Chef, « c’est quand qu’on va où ? » (Renaud).

  • Encore (15 novembre), un billet de 20MINUTESFR : « Celestis envoie des restes incinérés de personnes décédées à la surface de la Lune ». La face cachée, quel endroit dangereux !

  • SOSoir(28 octobre) recommande la visite d’Annecy (Haute-Savoie) et son « canal du Vassé où de nombreuses petites barques déambulent ». Les p’tits bateaux ont donc des jambes.

  • Justement, au Moniteur du 17 novembre (2ème éd.) paraît un arrêté royal du 22 septembre 2023 « modifiant diverses dispositions relatives au personnel navigant des forces armées ». Ah, les gars de la marine ! Mais il s’agit des aviateurs

  • Quant à lesoirimmo (16 novembre), il livre la publicité d’une agence immobilière qui vante, à Frameries, un « remarquable ensemble en quadrilatère, accessible par un chemin ». Et non par hélicoptère.

  • Le Flashde 21 h. de La Première (encore, 29 octobre) annonce l’échouage d’une orque sur une plage de La Panne : « Très affaibli, l’animal n’a pas survécu au naufrage ». À cause d’une voie d’eau, sans doute.

  • Selon l’édition en ligne de Trends (15 novembre), J.-M. Nollet (Ecolo) déclare, au sujet de la pollution de l’eau par les PFAS : « On ne réglera ce problème qu’en travaillant à la source ». Qu’il répète plutôt tout haut cent fois « polyfluoroalkylées ».