"Ici et ailleurs" du JDJ N°372

Le Gouvernement belge …

Une pierre de plus dans le jardin des opposants à tout enfermement des enfants migrants : le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, en charge, comme chacun sait, de la surveillance de l’application de la Convention du même nom, vient de se prononcer on ne peut plus clairement sur l’interdiction totale de l’enfermement des enfants pour raison de migration.

Cette déclaration a été faite en marge du sommet européen sur l’asile et la migration. Renate Winter, Présidente de ce Comité, a déclaré : «La législation de l’UE ne devrait pas permettre la détention d’enfants, même en dernier recours, et la réforme du régime d’asile européen commun est une opportunité pour interdire cette pratique».

… suivra-t-il les injonctions …

La législation européenne prévoit actuellement qu’un enfant migrant ou demandeur d’asile peut être placé en détention en dernier recours, si c’est dans son intérêt supérieur. Mais le Comité insiste : «l’affirmation selon laquelle la détention est nécessaire pour protéger les enfants face au risque de disparition, exploitation ou “fuite” est erronée. Détenir des enfants, qu’ils soient non accompagnés ou en raison de leur statut d’immigration ou de celui de leurs parents, n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une violation des droits de l’enfant qui ne peut souffrir aucune exception».

… du Comité des droits de l’enfant ?

Le principe selon lequel la détention est une mesure de dernier recours existe pour ce qui concerne les enfants «en conflit avec la loi», mais ne s’applique pas aux enfants migrants.

Qui plus est, si l’intérêt de l’enfant est de rester avec sa famille, l’interdiction de l’enfermement s’applique aussi à cette dernière. Si le Gouvernement belge persiste dans son intention de recourir à cette pratique, il devra en répondre au Comité qui examinera le rapport belge en précession en juin, et entendra les représentants de la Belgique en janvier prochain.

www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRC/

Première décision du Comité …

Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a publié sa première décision dans le cadre de son mécanisme de plainte (3ème protocole optionnel sur les communications individuelles). L’affaire concerne une mère et sa fille à qui le Danemark a refusé l’asile.

La plainte déposée auprès du Comité explique que la fille risquerait d’être victime de mutilations génitales féminines si elles étaient expulsées vers la Somalie. Le Comité a estimé que l’expulsion de la mère et de la fille violerait le droit de la fille à être protégée contre la violence et a jugé que le Danemark n’avait pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant (voir la décision : www.ohchr.org/Documents/ HRBodies/CRC/CRC-C-77-DR-3-2016.pdf.

Le mécanisme de plainte est entré en vigueur en 2014, mais il s’agit de la première décision qui tient un État responsable d’une violation des droits de l’enfant, après examen sur le fond.

Il y a actuellement 33 plaintes en instance, impliquant six États, dont la Belgique. La majorité des cas concerne des procédures d’immigration, dont 17 sur l’utilisation des rayons X pour tenter de déterminer l’âge des enfants non accompagnés en Espagne. (www.crin.org)

… et nouvelle décision du Comité africain d’experts

Une nouvelle décision du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) reproche à la Mauritanie de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour sanctionner l’esclavage des enfants. La décision concerne deux frères nés esclaves maintenus en esclavage pendant 11 ans. La décision juge que ce pays n’a pas correctement appliqué ses lois anti- esclavage, ni indemnisé les deux garçons et que les peines prononcées sont extrêmement légères à l’encontre d’une famille de «propriétaires» d’esclaves.

Le Comité a également déclaré que les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour prévenir, enquêter, poursuivre, punir et remédier à la pratique répandue de l’esclavage, aboutissant à une situation d’impunité. Après l’évasion des deux frères en 2011, l’homme qui les avait réduits en esclavage a été arrêté, condamné à deux ans de prison et à payer une amende d’environ 3.800 dollars, puis libéré de prison en attendant un appel. Le CAEDBE a également demandé que les garçons soient inscrits à l’école, qu’ils reçoivent des certificats de naissance et des cartes d’identité, et un soutien psychosocial afin de les réhabiliter des abus physiques et mentaux endurés.

Bannir la mise en isolement ?

Que des prisonniers demandent à être mis en cellule d’isolement est particulièrement interpellant. Pourtant, c’est ce qui se passe régulièrement dans certaines prisons en Irlande (plus de 370 demandes en 2017, en augmentation constante), pour échapper à la violence !

L’association «Irish Penal Reform Trust» réclame pourtant l’abolition de la pratique de mise en isolement qui est de nature à affecter la santé mentale des prisonniers et demande qu’on recherche plutôt des solutions à la violence en prison qui devrait être un lieu de sécurité et respect.

La mise en isolement prive en outre les prisonniers de toute activité, ce qui est pourtant nécessaire à leur réhabilitation. Cette position est soutenue par l’ancien Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, le Professeur Juan Méndez. Ceci devrait aussi valoir pour les institutions pour jeunes, dont nos IPPJ. La réforme de la Protection de la jeunesse est à cet égard une occasion manquée, puisqu’un jeune peut encore être mis en isolement pour 72 heures.

Exclusions scolaires, encore et toujours

Les chiffres de l’exclusion scolaire, et de sa forme plus insidieuse, parce que cachée, des refus de réinscription, pour l’année scolaire 2016/17 sont connus : plus de 2300 gamin.e.s (sans surprise, surtout des garçons) ont été jetés hors de leur bahut. C’est d’autant plus conséquent quand on sait à quel point l’avenir de ces jeunes peut être gravement compromis. Le Délégué général et les associations de parents (entre autres) dénoncent la légèreté de nombre de ces décisions.

Malgré une apparence de prise en compte du phénomène, il semble qu’il n’ait jamais retenu toute l’attention qu’il mérite, comme s’il s’agissait d’une fatalité contre laquelle on ne peut pas grand-chose. Si des améliorations des procédures de recours sont indispensables (nombre de directions d’école sont seules maîtres à bord, totalement incontrôlées), c’est largement insuffisant.

Il faut plus de prévention, de soutien aux enseignants, mais aussi à un moment donné des sanctions à l’encontre des écoles qui ont érigé l’exclusion en politique de délestage.

La Cour de justice, une institution progressiste ?

Trois avis remarquables de l’Avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne dans des affaires concernant des enfants ou des étrangers :

- Un mineur non-accompagné devenu majeur pendant la procédure d’asile doit toujours être considéré comme mineur en vue d’un regroupement familial une fois le statut obtenu (affaire C-550/16 A) ;

- Un demandeur d’asile ne peut pas être soumis à un test psychologique afin de déterminer son orientation sexuelle; un tel test constituerait une ingérence disproportionnée dans sa vie privée (affaire C-473/16) ;

- La notion de «conjoint» comprend les conjoints de même sexe au regard de la liberté de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille; les États membres sont libres d’autoriser ou non le mariage entre personnes de même sexe, mais ne peuvent pas entraver la liberté de séjour d’un citoyen de l’Union en refusant d’accorder à son conjoint de même sexe, ressortissant d’un pays non UE, un droit de séjour permanent sur leur territoire (affaire C-673/16).

Voir la base de donnée de jurisprudence sur : https://publications.europa.eu/fr/home


Les bésicles de Jiji

En un mot

Le Journal du droit des jeunes (n°369, novembre 2017) livre avec enthousiasme un large extrait du Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté 2016, notamment une définition claire et succincte de l’objet d’une de ses parties :

«L’angle d’analyse compréhensif à partir du ‘non-recours’ et plus largement de la notion de ‘sous-protection sociale’ est le fruit d’un choix méthodologique de l’Observatoire de la Santé et du Social en considérant le non-recours aux droits sociaux comme l’une des approches possibles de la pauvreté (WARIN, 2009) avec l’objectif de saisir certaines dynamiques de précarisation».

Tournée générale de Bésicles !

Ze Napoléon Code

En comparaison, Portalis et al. savaient manier le français en 1804 : «À l’égard du vin, de l’huile et des autres choses que l’on est dans l’usage de goûter avant d’en faire l’achat, il n’y a point de vente tant que l’acheteur ne les a pas goûtées et agréées», art. 1587 du Code civil.

Le ministre K. Geens (CD&V) veut réformer l’ouvrage et les deux syndicats de magistrats lui reprochent (Le Soir, 30-31 décembre) de refuser toute concertation avec les professionnels, puisqu’il n’envisage qu’une consultation du grand public, invité à «envoyer son feed-back par e-mail» (et non «ses réactions par courriel»). On va écriver moderne.

Pourtant, le texte était déjà redoutable : le Moniteur du 12 janvier a publié la loi du 7 janvier 2018 qui «modifie la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et indivuelles [sic] avec des armes et le Code civil». Hors de portée des enfants.

Un autre caprice de la NVA

Selon Le soir aussi (27 décembre), S. Vandeput, ministre de la Défense, interrogé au sujet du remplacement des F-16 : «La sélection est toujours en cours. Je n’ai pas envie de parler de ça maintenant». Non pas «ce serait juridiquement inadmissible de m’exprimer», ni même «politiquement», mais «et je ne dirai rien, na !» («surtout à un journal francophone» ?). Ce n’est pas cette fois que la vérité sortira… du ministre.

Téléréalité

Là encore (11 janvier), une pleine page sur le gigantisme des écrans de téléviseurs : «Le nouveau Samsung ‘The Wall’ porte bien son nom avec sa diagonale de 146 pouces. Oui, plus de 6 mètres !»

Appliquez le théorème de ce cher Pythagore et faites un peu de calcul mental : vous verrez que pour accueillir un tel engin, il faut habiter vaste. Mais comme le pouce (inch en anglais) vaut 2,5 cm., la diagonale de ce poste fait «seulement» 3,7 mètres et – fidèle à la réputation mathématique du journal – le spécialiste s’est enfoncé le pouce (thumb en anglais) dans l’orbite.

Ça tombe dru

  • Au sujet des professeurs de religion, Le Soir (19 décembre) évoque le «sacro-saint principe de la séparation des Églises et de l’État». Inapplicable, donc.
  • Ibidem (26 décembre), tandis que le pape évoquait le drame des migrants, le cardinal belge J. De Kesel faisait entendre «le même son de cloche». De Pâques, déjà ?
  • Itou (21 décembre), «les organisations syndicales ont défilé contre les pensions à Bruxelles sans que cela n’émeuve pas [le ministre MR] Bacquelaine». Il s’inquiète donc à bon droit de voir les syndicats hostiles aux retraites.
  • Encore (27 décembre), un chroniqueur de football : «Charleroi : l’objectif est plus qu’atteint». Fracasser le goal adverse, ce n’est pas du sport.
  • De même (5 janvier), R. Vervoort (PS), ministre-président bruxellois et fin diseur (voir J.D.J., n° 369, p. 47), déclare qu’il sera «plus que normalement en tête de liste aux [élections] régionales». Ce scrutin s’annonce surhumain.
  • Aussi (29 décembre), une dépêche de l’AFP concernant la guerre en Syrie et en Irak : «La coalition internationale a reconnu la mort involontaire de 16 civils supplémentaires au cours de frappes aériennes». Tous les autres se sont suicidés.
  • De plus (3 janvier), dans un article sur la légalisation du cannabis, il est question d’«un plan femelle à replanter». Pas devant les ados, voyons !
  • En outre (8 janvier), le traduisement des vantardises de D. Trump, qui parle de ses «deux grands accomplissements». Si cela pouvait être vrai ! «Accomplishment» signifie «réussite»; «accomplissement» veut dire «achèvement», en anglais «fulfilment».
  • Enfin (13-14 janvier), une chroniqueuse très en forme parle du «non-gel du nombre de conseillers communaux [en] Région bruxelloise». Toujours le réchauffement climatique. Elle poursuit : «En proposant cet amendement, le CDH a considéré [que c’était] une rupture de l’accord de gouvernement». Or ce parti s’oppose à l’amendement. Oui, sans doute ?
  • Quant au MAD, le supplément cultureux (3 janvier), il interviewe Jessica Chastain : «On m’avait prévenu que Weinstein était un souillon». L’actrice a dû utiliser «creep», mais le traduiseur a trouvé le remède au harcèlement sexuel : il suffit d’inverser les sexes («souillon», bien que masculin, désignait «une femme malpropre», mais c’est vieux).